Les Presses universitaires rennaises publient à tour de bras des ouvrages bien souvent érudits et scientifiques. Difficile de faire le tri entre toutes les nouveautés. On a jeté notre dévolu sur Charles Oberthur, Lettres de guerre (1914-1918), écrit à deux mains par un Saint-Cyrien, Bernard Corbé et Yann Lagadec, agrégé d’histoire, auteur de plusieurs ouvrages sur la Grande Guerre et maître de conférences à l’université Rennes.
La guerre déclarée, l’imprimeur rennais Charles Oberthur ne peut supporter l’idée de voir partir ses ouvriers au front et lui rester dans son foyer. Trop âgé pour être mobilisé (43 ans), il décide pourtant de s’engager et de laisser tomber les siens. Du jour au lendemain, son destin change comme des milliers de Français. « Ce samedi 1er août tirait à sa fin quand on entendit sonner le tocsin du beffroi de l’hôtel de ville. On s’arrête, on écoute, le cœur serré (…) Cette fois, ça y est, c’est la mobilisation », écrit-il.
Promu capitaine dès octobre 1914, Charles Oberthur prend le commandement d’une section de munitions d’artillerie (SMA) : c’est dans ces fonctions qu’il traverse la Grande Guerre de Charleroi à Strasbourg, en passant par la Marne, l’Artois, l’Argonne, Verdun, la Champagne ou la Somme. Durant toutes ces années, Charles Oberthur écrit, écrit encore à son épouse, à ses enfants et à ses parents. La première missive est envoyée dès le 14 août à Cancale où réside sa femme en vacances et la dernière à ses parents le 10 décembre 1918. Entre ces deux dates, quelques 250 courriers, à l’orthographe parfois déconcertante, sont envoyés par l’officier à sa famille.
Ecrire : un moyen de tuer le temps à défaut de tuer des gens !
Comme beaucoup de ses camarades, Charles décrit l’inactivité. « Notre vie s’écoule toujours à peu près de la même façon » explique-t-il dans un courrier envoyé le 30 janvier 1915. Mais pas de quoi inquiéter le chef d’entreprise rennaise : « Avec mes deux chevaux à monter, un peu de footing, pour ne pas trop engraisser, quelques touches d’aquarelle et ma correspondance, je n’ai pas le temps de m’ennuyer. »
Durant 52 mois de campagne, l’imprimeur écrit, croque, dessine et photographie. Ses lettres accompagnées d’aquarelles, de dessins et de photographies – permettent de le suivre pas à pas. Elles décrivent la vie d’un officier à l’arrière-front qui, sous l’uniforme, reste fondamentalement un bourgeois rennais. Elles rendent surtout hommage à un homme qui se montre soucieux du bien-être de ses subordonnés et qui va jusqu’à distribuer des almanachs Oberthur sur le front !
Les Bretons vu par Charles Oberthur !
Dans une lettre du 26 décembre 1914, Charles Oberthur résume sa vision pour le moins ambivalente des poilus bretons. Il voit en eux des « soldats admirables, patients, durs au mal et qui ne rouspètent jamais ». Mais il prend soin cependant de préciser qu’ils sont sales, délabrés et qu’ils sont de bien braves gens quand ils ne peuvent pas se saouler !».