Elle s’appelait Marie Hogrel ! A 23 ans, le 1er mai 1933, cette domestique de ferme étrangla ses jumelles, Germaine et Marie-Thérèse, 3 ans, dans sa maison à 1500 m du bourg du Pertre, sur la route de Brielles, au village de l’Archerie sous prétexte que leur éducation lui revenait trop cher. Devant la cour d’assise d’Ille-et-Vilaine, la jeune femme fut qualifiée de « monstre » par la presse de l’époque.
Une jeune femme timide
Ces deux victimes, ces deux cadavres, ces deux gamines de 35 mois étaient entrées ensemble dans la vie. Elles avaient grandi côte à côte, fait ensemble leurs premiers pas, prononcé leurs premiers mots et partagé leur mort. Epoux d’un certain Henri Courné, leur mère était ménagère au hameau de l’Archerie, en Gennes-sur-Seiche.
Devant les juges de la cour d’assise d’Ille-et-Vilaine, la jeune femme apparut toute menue, effacée et timide, entre deux gendarmes dans le box. Son visage d’enfant était joufflu et rose, tout en rondeurs. »Comment a-t-elle eu le triste courage, cette petite femme, au visage intelligent et ouvert de jeune fille, d’accomplir par deux fois et sur ses propres enfants un geste meurtrier ? Elle n’a pas l’aspect d’une ogresse, Marie Hogrel », s’interrogea le journaliste d’Ouest-Eclair, Jean Tholomé.
Son mari : un gars sérieux
Né le 13 octobre 1909, à Gennes-sur-Seiche, Marie Hogrel n’avait fait l’objet d’aucune remarque défavorable jusqu’au jour du crime. Tout au plus pouvait-on lui reprocher de se montrer trop sévère à l’égard de ses enfants et de les corriger trop brutalement. Au service de Monsieur Buisard, cultivateur à la Richottière, la jeune femme avait rencontré un gars « sérieux et dur au travail » comme elle, Henri Courné. Elle se mariait le 11 mai 1930 et, moins d’un mois plus tard, elle mettait au monde de jumelles. Quelques semaines plus tard, le ménage quitta le service de leur employeur… « La naissance chez le maître Buisard des deux jumelles faisait jaser. Henri préfère s’éloigner. Il alla se gager dans une ferme voisine cependant que sa femme reprenant près d’elle ses enfants allait s’installer à L’Archerie. »
Un emprunt dur à rembourser
En 1931, le couple devenait propriétaire d’une ferme grâce à ses économies et à un emprunt. « Cet emprunt, dira Marie Hogrel, ce sera la crainte que j’avais de ne pouvoir le rembourser qui me poussera à tuer mes deux jumelles. » Ce poids parut d’autant moins supportable que le 24 février 1933 naquit une troisième petite fille : Denise. « Pour faire face aux échéances de l’emprunt, pour réaliser des économies sur l’entretien du ménage, Marie décida de tuer ses deux jumelles », écrivait le reporter.
Le 1er mai 1933, vers le milieu de l’après-midi, la mère mit à exécution son monstrueux projet. « Elle étrangla ses deux jumelles avec l’aide d’une ceinture de blouse. Puis elle resta trois heures auprès des deux cadavres. Ce n’est que vers 21h30 qu’elle allait annoncer à une voisin, Monsieur Dorgères, qu’elle venait d’étrangler ces petites filles. »
Vous les aimiez et vous les avez tuées, sauvagement », s’étonna le juge. « C’est vrai, mais je ne sais pas pourquoi. Sûrement, j’étais folle. »
A l’audience, Marie Hogrel, sans père dès l’âge de 15 mois, est présentée comme étant « travailleuse, propre et obéissante ». Mais sans cesse la question de l’argent faisait débat devant les magistrats. « J’avais peur de ne pas pouvoir payer mon loyer. Et cette idée que mes jumelles étaient pour nous une lourde charge m’entrait dans l’esprit, malgré moi », expliqua-t-elle. Pour autant, Marie Hogrel n’est pas défendue par son mari. « Elle n’aimait pas ses enfants. Elle les battait tout le temps. Elle aurait voulu ne pas en avoir. Elle aurait désiré retrouver sa liberté pour travailler et gagner de l’argent. Il n’y que cela qui comptait pour elle. »
Lors de son réquisitoire, le substitut général Picard ne cherche pas à dissimuler son émotion. « C’est un crime monstrueux dont l’auteur Marie Hogrel, fera, dans quelques années, lorsque jouera le recul des temps, figure de véritable ogresse. Marie Hogrel n’est pas folle. Des spécialistes l’ont affirmé, elle est responsable. » Sans clémence, il demanda la peine capitale. Jeune avocate, maître Andrée Chotard-Barbot n’eut donc pas la tâche facile pour défendre sa cliente. Elle plaida la folie. « Marie Hogrel a tué parce que la peur de la misère l’avait rendue neurasthénique, parce que poussée par une idée fixe, elle a voulu éviter à ses petites les angoisses d’une vie misérable. » Mais le jury fut implacable et la condamna à mort. Elle fut graciée en août 1934.