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mardi 24 juin 2025
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Stupéfiants : douze ans d’échec ?

La scène aurait pu être tragique. Le 17 avril dernier, une fusillade éclate en plein jour dans un Subway de Villejean, touchant de près deux élus de l’opposition municipale, Nicolas Boucher et Charles Compagnon. Un mois plus tard, l’émotion est encore vive dans l’hémicycle rennais de la mairie. Lors du conseil municipal du 19 mai, les débats ont mis à nu deux visions de la sécurité urbaine. D’un côté, une majorité, qui plaide pour une réponse d’État. De l’autre, un centre droit qui accuse l’hôtel de ville d’inaction et de dogmatisme.

«J’ai eu l’occasion d’apporter mon soutien à Christophe Fouillère, qui s’est retrouvé nez à nez avec les malfaiteurs tirant en l’air pendant leur fuite.

Maire de Rennes, Nathalie Appéré a lancé un appel solennel à la “mobilisation générale” des forces de sécurité intérieure et de la justice. “Nous faisons aujourd’hui face aux assauts de réseaux criminels prédateurs venus de la région parisienne ou de Marseille qui se disputent des points de vente à l’arme automatique”, indique la première édile. Devant l’urgence, elle dénonce “une prise de conscience bien trop tardive du Gouvernement”, et réclame des renforts “durables” en effectifs de police et de justice. “Je n’ai, pour ma part, eu de cesse d’alerter sur la dégradation rapide de la situation observée en Bretagne et à Rennes. Je n’ai eu de cesse d’exiger de l’État qu’il engage les moyens suffisants pour combattre les narcotrafiquants et protéger la population. À Rennes comme ailleurs, les citoyens attendent des actes forts. La sécurité est au cœur du pacte républicain.”

Ce même ton grave a résonné chez ses alliés. Pour Laurent Hamon, porte-parole des écologistes, Rennes a “basculé” en deux ans : 29 fusillades, sept quartiers touchés, des écoles confinées, un enfant blessé. “Cette situation est injuste, insoutenable et incompréhensible.” Mais le Vert appelle à ne pas céder aux solutions de façade. “La lutte contre le narcotrafic relève exclusivement d’unités comme la BAC, la BST, le RAID, la BRI ou l’OFS. Ce n’est donc pas à la porte de la mairie qu’il faut frapper, mais bien à celle de la préfecture ou du ministère de l’Intérieur. (…) Rennes attend une stratégie de sécurité cohérente, lisible, durable. Depuis deux ans, nous tirons la sonnette d’alarme sur les questions cruciales des effectifs de police nationale.”

Sans hésiter, l’écologiste vilipende l’opposition. “Leurs outrances ne rendent pas compte de la complexité de la situation, en particulier sur des sujets aussi sensibles que le narcotrafic. Notre responsabilité collective, ici, n’est pas d’agiter des anathèmes. Elle est d’agir avec rigueur, lucidité et détermination. Faire croire que la vidéosurveillance pourtant déjà présente sur les lieux des fusillades, ou que davantage de policiers municipaux équipés d’armes à feu vont enrayer les violences liées au narcotrafic, c’est mentir aux habitants. Cette fuite en avance sécuritaire, qui vise à transformer la police municipale en une police nationale bis, n’est qu’un écran de fumée.”

On ne peut pas d’un côté asphyxier les politiques publiques et de l’autre exiger que les communes compensent tout. » Olivier Rouillier.

Chez les élus de Génération·s, même ligne. Olivier Roullier décrit une « économie parallèle brutale, puissante, structurée » qui génère des profits considérables et défie l’autorité publique ». Il critique vertement la nouvelle loi sur le narcotrafic. « Ce texte récemment adopté contre le narcotrafic illustre parfaitement cette fuite en avance sécuritaire. Une politique uniquement répressive et carcérale nous conduit à l’échec et à travers elle se révèle une idéologie profondément antisociale. Nous appelons chacun de nouveau à ouvrir sans tabou le débat sur la légalisation du cannabis pour tarir une source essentielle de financement des réseaux illégaux, soulager les forces de l’ordre et encadrer les usages. Prévention, accompagnement social, renforcement du pouvoir d’agir des habitants, parcours d’émancipation des jeunes, là sont nos compétences, là est notre rôle, là est notre ambition. »

Adjoint socialiste, Sébastien Sémeril, en charge des finances, a tenu à rappeler les chiffres de l’action municipale : 40 policiers municipaux recrutés, 4 500 caméras déployées, des horaires de patrouille élargis, et une politique de prévention doublée depuis 2020. « Nos quartiers ne sont pas abandonnés », a-t-il assuré. Honoré Puil, élu radical, a lui rappelé les efforts entrepris et a fustigé les « discours caricaturaux » de l’opposition. Yannick Nadesan, communiste, a lui aussi renvoyé l’État à ses responsabilités. « À Paris, on fait comme si Rennes n’était pas touchée. Cela fait des années qu’on réclame des moyens. »

Loïck Le Brun.

Mais ces efforts ne suffisent pas à convaincre. Pour Loïck Le Brun, conseiller du groupe Libres d’Agir, « le narcotrafic pourrit la vie des habitants ». Encore une fois, il pointe du doigt l’autorité municipale. « Vous aviez 12 ans pour présenter votre volonté de faire de la question de la sécurité une réalité du “Vivre ensemble”. Vous aviez ce mandat, avec une adjointe en qui nous fondions de grand espoir, pour agir et montrer que vous aviez pris conscience de la forte dégradation de la vie dans ces quartiers. Vous avez échoué ! Il est maintenant indispensable pour notre Ville d’ouvrir un temps de respiration démocratique pour que de nouveaux élus engagent de nouvelles politiques sans dogmatisme, sans sectarisme », a-t-il lancé à la majorité. « Toutes nos actions s’inscriront dans le combat contre le narcotrafic et les violences urbaines, en devenant un partenaire de l’État (…). Nous saurons, ainsi et enfin, redonner du sens au Vivre Ensemble. »

Vous avez échoué », Loïck Le Brun.

Carole Gandon, cheffe de file de Réveil Rennes, n’a pas non plus mâché ses mots. Elle a dénoncé la réaction « froide et condescendante » de la maire après la fusillade de Villejean, regrettant son absence lors de la venue du ministre de l’Intérieur. « Ce drame, au cœur d’un quartier populaire, montre les limites des seules politiques sociales », a-t-elle affirmé. « Il y a des marges de manœuvre. Il y a des outils. Il faut les utiliser. » Elle cite en exemple les villes de gauche comme Bordeaux, Montpellier ou Lyon, qui ont, selon elle, armé leurs policiers, renforcé la vidéoprotection ou institué de vraies brigades nocturnes. « Ce n’est pas une question idéologique, c’est une question de courage. »

En juin, le préfet et le procureur sont attendus en séance municipale pour présenter leur action. Il y a déjà quatre ans, la maire avait invité Philippe Astruc, l’ex-procureur de la République. Quatre ans après, elle convie en outre un représentant de l’Etat… Mais d’ici là, une chose est sûre : à Rennes, la question de la sécurité ne fait plus débat sur le fond, mais sur la méthode.

jean-christophe collet
jean-christophe collet
Lancé par le journaliste Jean-Christophe Collet en 2012/2013, www.rennes-infos-autrement.fr devient un site d’informations en 2015 et est reconnu comme site d’informations en ligne par le ministère de la Culture et de la communication.

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