Ce lundi 29 janvier, il y avait du beau monde pour l’audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire. À cette occasion, le procureur de la République, Philippe Astruc, est revenu longuement sur la lutte contre la délinquance organisée, et notamment les trafics de stupéfiants. « À l’échelon local, la situation sur Rennes demeure difficile », explique-t-il. « La demande est forte avec une banalisation de l’usage de cocaïne, ceci malgré l’intensité de notre action et un niveau de réponse pénale très élevé. La zone rurale est désormais davantage concernée que par le passé (347 personnes incarcérées en ce domaine à Vezin). » En 2023, le procureur a observé, comme partout en France une forme d’ubérisation et de recrutement au plan national (et plus seulement local) des revendeurs. « Nous remarquons, notamment à Rennes sud, où la situation s’est nettement dégradée en 2023, une plus importante présence de mineurs étrangers en errance impliqués dans les produits stupéfiants. »
Place nette
Face au trafic, Philippe Astruc croit beaucoup aux opérations dites « place nette » et aux enquêtes judiciaires permettant de sanctionner les différents membres d’un réseau. « La responsabilisation du consommateur, au travers de l’amende forfaitaire pour usage, à hauteur d’une centaine sur Rennes cette année, vient compléter efficacement ce dispositif », ajoute-t-il. Une impression partagée par Frédéric Benet-Chambellan, procureur général près de la cour d’appel, lors de l’audience solennelle de la Cour d’appel de Rennes. « Cette utilisation m’apparaît pertinente. »
Dans les règlements de compte, le bilan est assez comparable à 2022 avec 9 faits (pour 8 en 2022), mais Philippe Astruc comptabilise deux victimes décédées le 27 mars à Maurepas (contre une en 2022). « La stratégie demeure, ici, celle d’une mobilisation forte de moyens de police judiciaire pour obtenir un haut niveau d’élucidation et ne pas laisser s’installer un sentiment d’impunité. Des peines lisibles et significatives ont été prononcées en ce domaine par le tribunal correctionnel. Le message est clair. Nous ne laisserons pas installer ce type de pratiques, et nous aurons une réaction judiciaire forte. »
Malgré une certaine dégradation de la situation, le bilan reste cependant en deçà des résultats dans des métropoles comparables. Au niveau interrégional, l’activité de la JIRS est intense avec 42 nouvelles enquêtes ouvertes. « Ce sont plus de 5,4 millions d’euro “d’avoirs criminels” qui ont été saisis tant en France qu’à l’étranger », ajoute le procureur. « Notre démarche se tourne depuis deux ans résolument vers le vecteur maritime d’approvisionnement de l’Europe qui s’est considérablement densifié à la suite de la saturation du marché nord-américain. »
Un kilo de cocaïne coûte 1000 € à produire dans les pays de l’arc andin. Il a une valeur de 3000 € au port d’embarquement sud-américain et de 30 à 35 000 € une fois arrivé en Europe.
Au passage, le procureur est inquiet sur le risque de pression, voire de corruption, sur des acteurs publics. « Nous ne devons pas le négliger en regard de la dégradation de la situation que nous observons notamment en Belgique et aux Pays Bas. Une posture de grande vigilance s’impose en ce domaine. Avec Flavie Le Sueur, qui anime avec détermination le parquet JIRS de Rennes, nous nous employons à adapter nos méthodes de travail afin de répondre à l’évolution permanente du trafic. »
Infos + : « nous constatons l’ampleur de la vague de cocaïne, tout spécialement par voie maritime et sous toutes les formes ; le tristement classique conteneur, les ballots que les trafiquants répartissent en mer entre grands navires et petites embarcations. Nous avons désormais des modes nouveaux que nous observons comme les transits par les ports de plaisance ou les croisiéristes. Nous avons décidé avec le procureur général de Bordeaux de mettre en place une instance de coordination Arc atlantique. », insiste le procureur général de la cour d’appel.