Il y a quelque temps, un cadre d’une entreprise expliquait à sa nouvelle recrue rennaise. « Les difficultés viennent toujours de la base, des petites mains », affirmait-il du haut de ses certitudes. Mais n’en déplaise au cador de l’entrepreneuriat, les crises peuvent parfois découler d’un problème de gouvernance, de stratégie et de dirigeants. Face aux mauvais résultats du Stade rennais, cette saison, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? Florian Maurice, directeur sportif, est-il le seul responsable du marasme (10e au classement général de Ligue 1) ? Les joueurs bretons, bien souvent enfants gâtés du football français, sont-ils à blâmer ?
Pour cette nouvelle étape, Messieurs du Staff, commencez par chercher un bon Psy, car toute l’équipe en a besoin. Un supporter.
« On va devoir mettre beaucoup de choses à plat à l’intersaison. Travailler dur et corriger pour faire une meilleure saison prochaine », déclarait encore hier soir le coach. Cette prise de conscience est louable chez les gens du terrain, chez les petites mains. Mais qu’en est-il des autres responsabilités ? Visé, Florian Maurice (qui a acheté une maison à Rennes), semble être la cible idéale…sauf que l’ensemble de ses choix est validé par le conseil d’administration. À Rennes, il n’est sans doute pas un directeur sportif comme les autres. En l’occurrence, il n’a pas joué un rôle clé dans la nomination de l’entraîneur et n’avait pas toute latitude pour les recrutements, notamment en termes de budget.
Faut-il chercher des responsabilités chez Olivier Cloarec, directeur général ? Breton, ancien dirigeant du Rugby club de Vannes, il est sûrement attaché à la Bretagne, au foot, au Stade rennais. Mais lui aussi a-t-il les coudées franches ? Suivi comme son ombre par Jacques Delanoë (président du conseil d’administration du SRFC), lors des conférences de presse importantes, il est certainement obligé de rendre des comptes à son mentor et bien plus encore à l’actionnaire.
Un Louis Nicollin !
À Rennes, on est loin des présidents comme Louis Nicollin, Bernard Tapie et consorts. À Rennes, on privilégie des profils plus lisses à l’image des membres du conseil d’administration de la SA (société anonyme) : Alban Greget (directeur général adjoint du groupe Artémis), Dominique de Charrin (directeur de la trésorerie chez Financière de Pinault) et Marc-Lostie de Kerhor (directeur des investissements d’Artémis). À l’exception de Jacques Delanoë (fidèle parmi les fidèles de François Pinault), ils sont tous Parisiens et issus de grandes écoles : Alban Greget (Essec Business school), Dominique de Charrin (école supérieure de commerce de Montpellier) et Marc de Kerhor (Sciences-Po). « Ils sont sans doute très bons gestionnaires », explique un proche du club. « Mais ont-ils la fibre SRFC ? Ont-ils l’amour du ballon rond ? »
Il y a quelques années, le conseil d’administration était bien plus local, avec René Ruello et Hubert Guidal (que l’on dit toujours proches de François Pinault).
Détenu par Artémis (la holding d’investissement de la famille Pinault), le Stade rennais a la chance de disposer d’un actionnaire, presque né en face du Roazhon Park. Il bénéficie de l’appui financier d’un grand groupe, bref, il est sain. Mais sa gouvernance est-elle à la hauteur des ambitions de François Pinault ? Le foot doit-il être régi comme une entreprise avec des petits chefs, du reporting et de la communication bien huilée ? Certes, la SA à conseil d’administration offre une séparation claire entre la gestion quotidienne de la société, assurée par le directeur général, et le contrôle stratégique, exercé par le conseil. Certes, elle permet de lever des capitaux rapidement et encourage l’investissement sans exposer les actionnaires à un risque financier excessif. Mais le revers de médaille, ce sont des conflits qui peuvent naître entre les membres du conseil, les propriétaires, et la direction, qui peuvent affecter négativement la performance du SRFC…
En Angleterre, la forme de gestion la plus commune en Premier League est la propriété privée, où un individu ou une famille possède le contrôle majoritaire du club. Certaines équipes sont détenues et administrées par des consortiums d’investisseurs ou des entreprises, des sociétés cotées en bourse comme Manchester United et Arsenal. Parfois même, elles sont dirigées tout simplement par les supporters (comme c’est le cas, dans un autre championnat, du FC Barcelone). Faut-il en arriver là ? Rien n’est certain. Mais au regard des performances, le problème n’est pas uniquement à l’évidence du côté du terrain.