Vivant au hameau de Bonne-Fontaine, à Romagné, Pierre Lagadec, âgé de 68 ans, était garde de propriété dans les années vingts, après avoir été garde-forestier. Marié deux fois, il avait des enfants de chacun de ces lits. Le 25 juillet 1921, il était retrouvé dans l’étang voisin de sa demeure par sa femme de dix-huit sa cadette, flottant entre deux eaux.
Au procureur venu le lendemain, la deuxième épouse était formelle. « La nuit dernière, vers une heure, mon mari entendit du bruit du côté du jardin », expliqua-t-elle. « Il se leva et aperçut trois individus qui cherchaient à pénétrer dans la pièce d’eau. Il sortit : à son approche, ces hommes s’enfuirent. Nouveau réveil une demi-heure après, il sauta de son lit et se dirigea vers l’étang, sans armes. » Deux heures après, sa femme réveillée découvrait son corps.
Le fils et la mère
Au regard des premières investigations, les enquêteurs penchaient pour un étourdissement ou une syncope du vieux monsieur. Mais dans le pays de Fougères, les habitants de Parigné avaient dans les oreilles le tintement des oreilles des scènes tumultueuses entre les époux. « Cet état d’esprit ne tarda pas â être connu des inspecteurs et des commissaires de la police mobile de Rennes », écrivait le journal Ouest-Eclair.
Après enquête (et notamment l’apparition insolite du chapeau du père sur le bord de l’étang plusieurs semaines après), le fils (né le 30 octobre 1898 à Landéan) avouait le crime. « Oui, c’est moi qui ai tué le vieux ! » Il était arrivé en pleine nuit au domicile de son paternel. « Son père vient lui ouvrir », raconte le journal Ouest-Eclair. « Une discussion éclate aussitôt, violente, terrible, qui dégénère en pugilat et bousculade au cours de laquelle Fernand, fait tomber son père à terre. »
Quelques instants plus tard, la mère, Josephine, descendait de sa chambre. « Bien loin de lui porter secours, elle se jeta sur lui pour l’achever, car il vivait encore. Elle le serra à la gorge tant et tant qu’il perdit connaissance. Quand elle crut son oeuvre achevée, elle se leva en disant : « là maintenant, il ne dira plus rien. » La mère et le fils le jetèrent ensuite dans l’étang. Mais durant le procès, le fils se déclara innocent, malgré ses aveux à cinq reprises durant l’enquête. Pis, il accusa sa mère, qui, elle aussi, ne reconnut pas les faits.
Condamné à mort
Devant la cour d’assise d’Ille-et-Vilaine, en février 1922, l’avocat général, Monsieur Dorlhac, ne fut pas tendre avec l’accusé. « Je n’ai jamais vu dans ma longue carrière de magistrat de drame plus sanglant, plus cruellement meurtrier. Il est effroyable et par le lieu même où il s’accomplit, par le moment où il fut accompli, minuit, et par la personnalité de la victime, cassée, usée, attendant la mort avec sérénité et la recevant de celle qu’il fait vivre, de celui à qu’il a donné le jour . Ce crime est impressionnant par la qualité et la personnalité des assassins : c’est une femme qui a tué son mari ; c’est un fils qui a donné la mort à son père. Contre le crime qu’ils ont commis, il n’y a ni expiation, ni atténuation, ni excuse, les parricides montent à l’échafaud le visage voilé et en chemise! «
La mère fut condamnée à 20 ans de travaux forcés et le fils à mort. Il était guillotiné le 20 mai 1922, à 4 h 51, après avoir été réveillé à 3 h 50. Hébété, il reprit vit ses esprits. « Du courage, j’en ai toujours eu jusqu’ici et j’en aurai encore », dit-il au substitut. Très calme, il s’habilla, passa une paire de sandales, communia, accepta un verre de rhum et une cigarette. Il alla courageusement à l’échafaud devant la prison de Rennes.



