Vêtu d’un simple t-shirt blanc, une barbe à peine visible ornant son visage juvénile, le jeune footballeur professionnel du Stade rennais, Mathis Lambourde, se tient droit devant la présidente du tribunal, Marianne Gil. Derrière lui, ce 23 août, la salle d’audience est pleine. Elle est composée de nombreux curieux, de la presse, de ses camarades du centre de formation des Rouge et Noir et du défenseur, Lorenz Assignon. « C’est important d’être là pour soutenir notre ami », confie son coéquipier.
Devant la justice, l’espoir du foot français, âgé de 18 ans, comparait pour homicide involontaire et défaut d’assurance. Ce funeste 18 juin, à 18 h 45, aux commandes d’une trottinette électrique, il renverse et cause la mort de Stéphanie Cadeau, sur une voie piétonne du Mail François Mitterrand. Très vite, le jeune homme comprend la « gravité » des faits. « Dès que je me suis relevé, j’ai vu qu’elle était inconsciente. J’étais sous le choc. J’espérais une seule chose : l’arrivée des secours .»
Après l’accident, le collègue de Stéphanie appelle les secours, tandis qu’une femme tient la main de la victime.
Deux mois plus tard, le sportif tente d’expliquer l’accident devant la justice. « Je me rendais dans une Brioche dorée du centre-ville avec mon ami Killian. Ce jour-là, il y avait beaucoup de bouchons », insiste-t-il. « Une voiture me barrait le passage sur la piste cyclable. Dans la précipitation, j’ai décidé d’emprunter la voie piétonne. » Devant lui, Stéphanie Cadeau marche tranquillement pour prendre le bus à l’arrêt Chèques postaux. « Pour éviter de percuter la passante, j’ai crié pour l’avertir. Sans réaction de sa part, je me suis déporté sur la droite pour rejoindre la piste cyclable. Je pensais avoir de la place. » Hélas, Stéphanie Cadeau se décale dans la même direction, avant d’être heurtée violemment dans le bas du dos. Elle décédera des suites de ses blessures, une semaine plus tard, le 24 juin.
Sur Une voie piétonne, la loi impose de descendre de son véhicule », explique la présidente.
Devant le tribunal, Mathis Lambourde assure ne pas avoir roulé vite, cet après-midi-là. « C’était la première fois que j’utilisais cet engin. Mon père, qui en est le propriétaire, m’avait dit de rester en mode 2 (soit en dessous de 25 km/h). » Face à l’irréparable, Mathis Lambourde tient aujourd’hui à présenter ses excuses. « À froid, je me rends compte de mon comportement dangereux. Cet accident aurait pu être évité si je n’avais pas emprunté ce passage piéton. Depuis, j’y pense tous les matins, tous les midis et tous les soirs. Je suis profondément désolé pour la famille et je regrette sincèrement tout ce qui s’est déroulé», précise-t-il. Face à l’irréparable, Lucie Cadeau tient à rendre hommage à sa sœur entre deux sanglots. « Tu es un espoir du foot français », déclare-t-elle à l’adresse du jeune prévenu. « Mais Stéphanie, tout comme toi, n’était pas n’importe qui. Elle faisait travailler des dizaines d’artistes dans son association. Elle était une mère dévouée pour ses deux enfants. Elle n’avait pas à se pousser, ce jour-là. Tu lui as foncé dessus. Ton geste est inconscient. »
Après l’émotion, l’avocat de famille, maître Guilhem Gaubier, a insisté sur le vide immense laissé par la victime. « Stéphanie Cadeau a développé la scène musicale bretonne. Elle a su dynamiser la ville de Rennes. » Face au « comportement tellement imprudent » du prévenu, l’avocat a demandé une «peine contraignante» sur une durée raisonnable. « Mathis Lambourde a écrit une lettre de repentance. Mais on ne peut pas laisser impuni un tel acte. »
Même son de cloche chez le procureur de la République, Hubert Lesaffre. « Ces audiences sont douloureuses à vivre. Elles ne peuvent pas consoler les familles des victimes. Nous avons devant nous des gens avec des chagrins insurmontables. » En face de Mathis Lambourde, il a égrené ses manquements. « Madame Cadeau n’avait aucune chance. Même à 20 km/h, la distance est parcourue à deux secondes par une trottinette. Je requiers une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis. » De l’autre côté de la barre, maître Armando Frignati, défenseur de Mathis Lambourde, a plaidé la « complexité » de ces affaires. Sans hésiter, le magistrat a demandé de l’indulgence pour son client. « Nous sommes très loin du gamin qui roule à 50 km/h. Mathis est un jeune homme casanier, passionné par le foot. Sa vie ne sera plus comme avant. Je souhaite pour lui une sanction-réparation. » Au terme de l’audience, le tribunal a prononcé une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis simple sur une période de cinq ans, tout en accordant à Mathis Lambourde une dispense de casier judiciaire. Il a également été relaxé pour le chef d’accusation de conduite sans assurance. Le montant des indemnités à verser à la famille Cadeau sera fixé lors d’un procès prévu le 10 octobre 2025.