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LES 120 ANS DU STADE : TOUFFAIT, UN ATTAQUANT DEVENU GRAND JUGE FRANÇAIS

Attaquant de génie, Adolphe Touffait a marqué l’histoire du football de l’entre-deux-guerres. Il reste l’un des meilleurs joueurs de son époque et du Stade Rennais Université Club (l’ancien nom du Stade Rennais). Sa carrière de footballeur accomplie, il devient l’un des plus grands magistrats français et européens. Entre les études de Droit et le sport, son coeur a toujours balancé.

Né à Rennes, en 1907, le jeune Rennais fait ses premières armes aux Cadets de Bretagne. Remarqué pour sa rapidité et son sens du jeu, il intègre les Rouge et Noir en 1925. Bien vite, il est aligné dans la formation première, inscrivant le 27 décembre 1925 trois buts aux Havrais, lors d’un match amical. Cet après-midi-là, il est dans un grand jour (dixit Ouest-Eclair de l’époque). Il marque « superbement » le premier but rennais, sert Mouezy pour le second, profite d’une erreur du gardien Gaudouin pour le troisième et marque le quatrième but. On ne peut pas mieux faire…                     

                   Recruteur du Stade Rennais à Prague !

En 1926, le Breton retourne aux Cadets de Bretagne puis revient définitivement sous les couleurs stadistes en 1927. Titulaire d’une licence B, il joue en amateur la saison suivante avant d’intégrer l’équipe première en 1928. « Il n’existait pas de championnat de France, mais simplement des championnats régionaux, » écrit Adolphe Touffait, dans une revue publiée en 1978, Le Rouge et le Noir. A cette époque, les joueurs du Stade Rennais font le tour de la Bretagne. « Nous rencontrions Quimper, Saint-Servan, Brest, Saint-Brieuc, Lorient…Pour toutes ces équipes, quand elles nous recevaient, c’était bien sûr le match de l’année. Mais quand elles nous rendaient visite, c’était loin d’être la grande foule dans le stade de la route de Lorient. »                           

Durant cette période, le Stade Rennais incorpore des joueurs parisiens et même étrangers dans son effectif. Adolphe Touffait sera chargé même d’en recruter. En 1926, le jeune étudiant Touffait se rend à Prague avec des billets pleins les poches, donnés par son président et célèbre mosaïste, Isodore Odorico. La pêche est bonne. Il ramène dans ses valises deux Tchèques, le talentueux gardien Klénovec et le milieu Boucek.

A partir de 1929, Adolphe Touffait devient le capitaine de la formation rennaise. L’équipe est talentueuse. Mais les Rennais n’évoluent pas en première division…leurs dirigeants étant en conflit avec les instances nationales pour d’obscures raisons. Heureusement, le spectacle est de qualité au Parc de la Route de Lorient. En match amical, le Stade Rennais rencontre régulièrement les meilleures équipes du moment : Bordeaux, Sochaux, Le Havre AC…

Le 13 janvier 1930, le Rennais Touffait est ainsi sur le terrain du Parc de la Route de Lorient contre le Club Français (3 à 2). Il est blessé légèrement, mais devant les supporters rennais, il fait part de son immense talent, « dribblant tout le monde, » rapporte le journaliste d‘Ouest-Eclair, dans son compte-rendu du lendemain.

Un mois plus tard, le 14 février 1930, Touffait rechausse les crampons contre l’Association sportive de la Jeunesse d’Esch (ex-champion du Luxembourg). Juste avant la rencontre, Ouest-Eclair est là encore élogieux à l’égard du capitaine. « La ligne d’attaque qui avait longtemps été le point faible s’est révélée depuis quelques semaines : d’un côté, à gauche nous avons Hervé M. et Bordes, ancien joueurs du Football-Club, de Sète, de l’autre, à droite, Touffait et Valllanic qui s’entendent à merveille. « 

Contre les Luxembourgeois de la Jeunesse d’Ech, les Stadistes remportent sur le score de 13 à 2. « Des Rennais, nous ne dirons rien, commente le lendemain le journaliste du quotidien régional, si ce n’est qu’ils nous firent assister à de belles phases de football. Tous se jouèrent littéralement de leurs adversaires, qui n’eurent jamais la possibilité de se servir du ballon. » 

Durant l’entre-deux-guerres, ces rencontres amicales attirent la grande foule. « Il y a toujours bousculade aux guichets, » écrit Ouest-Eclair. « Pour les éviter, nous ne saurions trop demander au public de bien vouloir ne pas attendre la dernière minute pour se procurer les tickets. Des billets seront en vente, dès, samedi midi, soit, au bar Angélus, en bas de la place de la Mairie, soit au café de l’Europe, rue Jean-Jaurès, à Rennes. »           

                           Un joueur de classe internationale

Quatre jours après le match contre les Luxembourgeois, le 18 février 1930, Touffait est sélectionné au sein de l’équipe de l’Académie de Rennes dans le cadre du championnat de France universitaire. L’étudiant en droit joue le 20 mars contre l’Académie de Poitiers aux côtés des Cheminant et Léon, tous éminents juristes. Là encore, Touffait est porté aux nues par les journalistes. « Citons tout particulièrement dans l’équipe, l’avant-centre Touffait, capitaine de la première équipe du Stade Rennais, joueur qui possède également la classe internationale… »

A l’époque, les Stadistes enchaînent les matches. Le 21 février 1930, contre le Stade Lavallois, Touffait joue en attaque aux côtés de Vaillant, Nenals,  Bordes et Decoux. « Comme on le voit, c’est la grande équipe du S. R. U. C. qui se produira à Laval; seule l’absence de Gervot est à enregistrer, mais son remplaçant Léon est un joueur qui ne déparera pas le onze rennais. »

Contre Laval, les Rennais gagnent ce jour-là par huit buts d’avance ! On en mesure encore aujourd’hui l’exploit en lisant le journal Ouest-Eclair : « La pression rennaise s’accentue et bientôt Cénovsky évite un adversaire, transmet à Heslot qui, lui-même, passe à Touffait qui, d’un bolide en coin, ouvre la marque. » Devant les Lavallois, le joueur rennais multiplie les belles occasions. « Touffait qui joue très en retrait fait une superbe ouverture à Vaillant, mais celui-ci centre en six mètres. » Pas de chance non plus, lors d’une seconde phase de jeu. « Le ballon revient à Touffait qui shoote en force; mais Lhotelier dégage au poing. »

Cette année-là, les Rennais cumulent les victoires. « Parmi les plus beaux résultats obtenus cette fois par le S. R. U. C, indique Ouest-Eclair, nous citerons au hasard les suivants qui démontrent leur réelle valeur. Les Rennais ont été vainqueurs du Deportivo Espagnol de Bordeaux, 3 à 0; du Pola d’Esch (Luxembourg), 13 à 2; du Stade Briochin, 6 à 1; du Moravska Slavia de Brno; 5 à 0; des Cheminots Rennais, 6 à 1; du Stade Bordelais, 3 à 1; du Club Français (champion de Paris), 3 à 2; du Club Sportif Jean-Bouin d’Angers,  2 à 1;  de l’U. S. Servannaise, 4 à 0 … »

                        Touffait exemplaire

Contre les grandes équipes, Touffait fait parler de lui. Le 9 mars 1930, devant le Stade Français au Parc de la Route de Lorient, il est encore dans l’équipe malheureuse qui perd sur le score de 3 à 2. « Nous n’avons pas l’habitude de jeter des fleurs aux équipes bretonnes mal à propos, écrit Ouest-Eclair, mais nous sommes obligés de constater qu’aujourd’hui le Stade Rennais a joué de déveine et qu’au plus mal, un match nul aurait dû le récompenser de ses efforts. » Lors de cette rencontre, Touffait rate un but…tout fait. « Un coup franc pour faute de touche est tiré contre le Stade Français, mais Chaizaz sort à temps pour empêcher Touffait de conclure, » écrit Ouest-Eclair dans  ses colonnes.

A l’époque, le quotidien local choisit son camp. « Ces résultats, très brillants, se passent de commentaires. Ils prouvent tout simplement que les Rennais ont une équipe qui peut compter parmi les meilleurs « onze » français du moment. «  Des considérations qui, aujourd’hui, n’auraient plus lieu d’être dans un journal… »Comme nous l’avons dit plus haut, ajoute le journaliste, le Stade Rennais n’a point été servi par les événements. Sa partie d’aujourd’hui fort bonne dans l’ensemble n’a point été récompensée comme elle le méritait (…). Pour chacun des quelque quatre mille spectateurs qui garnissaient les touches du Parc des Sports du S. R. U. C. il en va tout autrement. Nous sommes persuadés que très peu, parmi eux, nous contrediront lorsque nous dirons que le match nul aurait été — pour le moins — le reflet exact de la physionomie de la partie qui fut en majorité à l’avantage des Rennais. »

Encore moins impartial, Ouest-Eclair montre du doigt l’arbitre. « Au risque de passer une fois de plus pour un sruciste acharné, nous devons à la vérité de dire que les Parisiens ont gagné la partie avec le concours de l’arbitre qui eut le tort de ne pas suivre suffisamment la marche des opérations. Nous ne chercherons pas ici à noter les fautes commises par le referee (arbitre en anglais). Elles furent tellement nombreuses et si flagrantes que le public — nous ne saurions d’ailleurs l’approuver — crut devoir lui manifester sa désapprobation à l’issue de la rencontre. »

Le 1er avril 1930, Adolphe Touffait et ses équipiers rencontrent les Allemands du Stuttgart Kickers. Les Bretons font match nul contre des joueurs athlétiques d’un excellent niveau « qui ne passent pas leur temps dans de vaines combinaisons. »  Ce qui fait dire à Ouest-Eclair : « Les stadistes s’affirment de plus en plus, face aux grandes équipes. Qui aurait pu prévoir leur victoire méritée contre Duisburger ? Et contre Sochaux, si les Rennais avaient joué avec plus de confiance en eux-mêmes, il est probable que nous aurions enregistré un résultat autre… ».  

                                Sélectionné en équipe de France

En 1932, Adolphe Touffait est sélectionné dans l’équipe de France qui doit affronter l’Italie le 10 avril. Pour sa première sélection, il cumule les malchances. Le 9 avril, le correspondant du quotidien Ouest-Eclair annonce son forfait pour cause d’angine. « Il ne pourra pas prendre part au match France-Italie. Il sera remplacé par Delfour du Racing-Club. Le fait est regrettable, car on aurait pu juger de la valeur du joueur du Stade Rennais, » écrit-il. Mais finalement, le Breton dispute la rencontre contre l’Italie…. mais joue à peine quelques minutes. Sur l’une de ses échappées, il est blessé et doit laisser sa place au dénommé Delfour. « Jusque là, nous nous plaisons à reconnaître que Touffait avait rempli son rôle avec conscience, » ajoute le journaliste.

Sa carrière internationale s’achève sur une sélection et… une blessure. A Rennes, en revanche, Touffait et ses amis continuent à faire les beaux jours du Stade. Ils retrouvent l’élite dans le groupe B du championnat national. Ils se battent corps et âmes…mais terminent à une bien décevante sixième place.

Devenu juge en 1933 à la Cour d’appel de Valenciennes, Touffait prend le pseudonyme Delourme (nom de jeune fille de sa mère) pour continuer à jouer au football (25 matches en 1933-1934 pour deux buts inscrits). La fin de sa carrière approche désormais à grands pas. En 1934-1935, il prend le statut amateur et ne sera pas de l’aventure de la finale de la coupe de France perdue contre Marseille en 1935.

                            Une rue rennaise porte son nom

Adolphe Touffait prend sa retraite footballistique en 1936. Commence une nouvelle carrière de haut magistrat. Il est nommé procureur de la République de la Seine de 1958 à 1961, premier président de la cour d’appel de Paris de 1962 à 1968, procureur général près la Cour de cassation de 1968 à 1976 et magistrat à la Cour de justice des communautés européennes. On le vit même dans les cabinets ministériels. Mais ô grand jamais, il ne quitta le monde du football…devint vice-président de la Fédération française de football.

A sa mort, le 12 mars 1990, à Nanterre, Rennes est en deuil. Une certaine Simone Rozes pleure un grand juriste dans le Bulletin de la Société de législation comparée en décembre 1990. « Sa curiosité d’esprit était particulièrement vive et le conduisait à s’intéresser à de nombreuses disciplines et  à élargir son champ de connaissances. Elle lui a permis d’adresser plusieurs communications à l’Académie des sciences morales et politiques, de prononcer tant en France qu’à l’étranger des conférences notamment sur le droit européen, et de signer des articles de grand intérêt. » Et de poursuivre par un clin d’oeil  : « Son dynamisme de sportif était bien connu mais il ne s’agit pas là d’un simple cliché et sans doute, à un moment ou à un autre, avons-nous pu bénéficier de l’esprit d’équipe qui l’avait si puissamment animé dans sa carrière de « footballeur » et avait permis au jeune capitaine de l’équipe de Rennes d’être sélectionné dans l’équipe de France.« 

Une rue porte désormais son nom. Elle est située dans le quartier Saint-Hélier à Rennes, reliant le Boulevard  Laënnec à l’ouest à la rue Monseigneur Duchesne, à l’Est. Un des seuls joueurs rennais à connaître cet honneur…

Petite biographie  : Adolphe Touffait est né le 29 mars 1907 à Rennes et mort le 12 mars 1990. Il est un ancien footballeur professionnel et magistrat français. Son poste de prédilection était milieu de terrain. Il ne compte qu’une sélection en équipe de France de football, France-Italie en amical (1-2) le 10 avril 1932 à Colombes et plusieurs dans l’équipe de France militaire, mais aussi dans l’équipe universitaire de l’Ouest. Chez les Rennais, il a manqué 46 buts en prés de 150 matches.

jean-christophe collet
jean-christophe collet
Lancé par le journaliste Jean-Christophe Collet en 2012/2013, www.rennes-infos-autrement.fr devient un site d’informations en 2015 et est reconnu comme site d’informations en ligne par le ministère de la Culture et de la communication.

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