Le préfet Philippe Gustin n’en démord pas. Rennes 2 est un bastion de l’ultragauche. Après une nuit de violences dans le centre-ville, Philippe Gustin a égratigné la « connivence, voire le soutien » de Rennes 2. « Il y a une omerta terrible autour de cette université. Tout le monde sait, mais personne ne le dit. Dans cette faculté, il existe une ultragauche complètement fanatisée (…) et engagée dans des manifestations uniquement pour détruire ou casser. Quelques jours avant le rassemblement violent, nous avions fait des propositions au président de Rennes 2 qui les a refusées. Nos mesures auraient pu éviter une bonne partie des évènements. »
Immédiatement, la direction de l’université déplorait les propos choquants, lors d’un communiqué envoyé à tout son personnel. « Ces accusations sont sans fondement. Nous avons toujours condamné toutes les formes de violence, sur les complexes universitaires comme à l’extérieur. » Mais pour en avoir le cœur net, rien de tel que de se rendre un jeudi après-midi dans le campus de Villejean. Après avoir stationné son vélo tant bien que mal, au milieu des voitures sur les trottoirs, prenons le chemin du bâtiment B en longeant des préfabriqués où bossent des étudiants.
Sur la façade de l’édifice, un slogan est inscrit en rouge depuis des années : vive la Commune ! Dans le hall central, le promeneur tombe nez à nez avec une grande fresque où l’on peut voir un homme masqué avec un gilet (jaune). Sur l’œuvre, il est écrit en noir et blanc « de la rue aux tribunaux, défendons-nous ». Très vite, on est mis dans l’ambiance. À droite de l’entrée, élection estudiantine oblige, les annonces de l’Union pirate (syndicat majoritaire se disant local et indépendant, combatif et inclusif, écologiste et solidaire) font florès. Elles recouvrent tous les panneaux informatifs. Pas une place pour les autres syndicats, encore moins pour l’UNI (classé à l’extrême droite).
Près de la machine à café (1, 20 euros), deux affiches surprennent le visiteur. Elles sont posées par Défense collective. Non recouvertes, ni même arrachées par l’administration, elles font de la propagande pour ce collectif de l’ultragauche. Créé en 2016, juste avant la loi Travail, celui-ci se définit comme un « groupe ouvert, public et autonome ». « Nous luttons pour la défense du mouvement social», confie-t-il sur Internet. Son but est de conseiller les manifestants. Régulièrement, ce groupuscule (suivi tout de même par 4800 personnes sur Facebook, tout autant sur Instagram) organise des ateliers contre la « répression policière ». Le dernier en date, prévu à l’intérieur de la fac dans le hall L le 12 janvier, invitait les étudiants à se former en cas d’arrestation. « Nous n’avons aucun lien avec la Defco, tenait à préciser Yeltas Panhaleux (Union pirate), dans les colonnes d’Ouest-France. «On peut parfois se retrouver en tête de cortège, mais c’est le cas avec beaucoup d’autres organisations. »
le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé une procédure de dissolution à l’encontre du mouvement rennais dE l’ultragauche Défense collective (Defco) qui invite au soulèvement », avait-il affirmé.
Dans ce hall, des étudiantes bavardent et travaillent tranquillement. Un enseignant lit un bouquin et une femme de ménage passe le balai devant une affiche appelant à l’arrêt du « massacre à Gaza ». En sortant, direction la bibliothèque où de nombreux jeunes sont penchés studieusement sur des ouvrages. Ils bossent des sciences humaines et autres. Mais ne les dérangeons pas. En suivant le panneau « antifa », la porte du bâtiment Erève (bien joliment nommé) s’ouvre doucement. Dans cette maison d’étudiants, le premier étage abrite le local de l’Union pirate et son bar associatif. « Là, tu verras, c’est du chaud et du lourd. Si tu ne fais pas jeter avant», a prévenu une employée. Mais en ce jeudi après-midi, c’est plutôt calme. Une longue banderole pend dans le vide où l’on peut lire : contre le coup d’État social. « Depuis quelque temps, on traverse une période sans les réunions de l’AG de Rennes 2. Résultat, nous n’avons pas trop d’occupation de la fac», ajoute un employé.
Ce que l’on peut reprocher à l’université, ce n’est pas l’accointance avec l’ultragauche, c’est leur indifférence, voire une certaine tolérance », explique un proche du dossier. « Elle laisse faire, sans condamner. »
En sortant, l’on croise une vieille connaissance, aujourd’hui professeur. « Je ne préfère rien te dire », précise-t-il. « De nos jours, je fais mon cours et basta ! Je ne veux pas d’emmerdes. Ici, ce n’est pas l’omerta ! C’est juste l’envie de ne pas se retrouver la cible de qui que ce soit. Alors, on ferme sa gueule. En revanche, j’aimerais bien que tu mettes en avant l’excellence de notre enseignement. » Devant lui, une jeune femme prend la direction de la bibliothèque. Elle sera sans doute aux portes ouvertes ce week-end pour dire tout le bien de son université. « On oublie trop souvent que des gens bossent ici. »