En mars 2023, Laurence Taillandier, présidente du Carré rennais, dévoilait les résultats d’une enquête menée auprès des commerçants du centre-ville. « Au vu de nos investigations, nous constatons une chute du chiffre d’affaires de 40 à 80 % en moyenne. Ce n’est pas uniquement dû au contexte social et aux manifestations, mais plutôt à une ambiance anxieuse, qui touche particulièrement le centre,» déclarait l’opticienne dans les colonnes d’Ouest-France.
À l’époque, l’incontournable présidente pointait du doigt les bus supprimés, le manque de parking, la zone à trafic limité (ZTL) et les multiples travaux. « Ce sont autant de facteurs qui rendent difficile l’accès au centre-ville. Il y a aujourd’hui une vraie méfiance pour les clients venant de l’extérieur de la rocade, alors qu’ils représentent 60 % du chiffre d’affaires. »
Quelques mois plus tard (avec la fermeture de la ligne b), les mêmes inquiétudes reviennent à grands pas. « En cette période de Noël, notre activité va baisser », assure l’un. « Après les manifestations, voici le temps des réparations et des mauvaises affaires. » Comme beaucoup, Charles Compagnon, ancien commerçant lui-même et maintenant porte-parole du centre droit, s’emporte contre les manifestations violentes, l’insécurité et le manque de diversité commerciale. « Il n’y a pas de problème pour trouver une nouvelle coque de téléphone, mais c’est plus compliqué si on cherche un cadeau de luxe pour un mariage», indiquait-il, dans les colonnes du journal 20 Minutes. « La rue Le Bastard est devenu la rue de la téléphonie.»
Pleinement dans son rôle, l’homme politique défend coûte que coûte ses anciens collègues. Il fut d’ailleurs président du Carré rennais. Mais la situation est-elle si morose ? “Beaucoup de vitrines ont baissé leurs rideaux. Rue de l’Horloge, trois commerces sont actuellement fermés», remarque un habitant du centre-ville. « C’est plus compliqué que cela», convient Agnès Legros, directrice immobilier Commerce du groupe Giboire. « Des affaires passent de mains en mains. Mais les signatures sont parfois longues et les travaux le sont tout autant (dépôt du permis de construire…). Entre le moment de la négociation et la remise des clés, cela peut durer quelques mois. Les commerces peuvent rester vacants. À titre d’exemple, une nouvelle activité commerciale devrait ouvrir bientôt en bas de l’hôtel de Robien, dans le haut de la rue Le Bastard.»
À Rennes, un grand propriétaire foncier pratique des prix de location commerciale totalement délirants », assure un professionnel.
Certes, la spécialiste de l’immobilier reconnaît des difficultés. « Certains commerçants optent pour de piètres emplacements. Ils s’installent dans des secteurs “habillement” alors qu’ils vendent de l’alimentaire. Ils sont victimes de mauvais conseillers, leur promettant monts et merveilles et méconnaissant l’activité de notre agglomération », admet-elle. Mais beaucoup se porteraient bien. « Nous connaissons tous autour de nous des professionnels gagnant aisément leur vie. » Comme toute autre grande ville, la capitale bretonne profiterait d’artères marchandes où l’on retrouve des activités bien précises et spécialisées. La rue de l’Horloge est tournée vers l’habillement, la rue de Nemours vers l’alimentaire, la place Sainte-Anne vers la restauration. « J’échange aujourd’hui avec les instances nationales des groupes et les indépendants. Globalement, il y a un retour au centre-ville. C’est le cas d’enseignes comme Bricorama, Weldom, Lidl… »
Des loyers élevés, cela ne pardonne pas quand la période est difficile. »
« Tout ne va pas mal », ajoute la directrice du groupe Giboire. « Nous avons plus de demandes que d’offres. Le marché est loin d’être négatif ! Des artères, naguère confidentielles et moins cotées, deviennent plus attractives, comme la rue Jean-Jaurès (celle de Starbucks). Il faut arrêter de dire que les gens quittent le centre-ville pour aller faire leurs courses en périphérie. »
La clientèle qui a les moyens fait fréquemment des déplacements à Paris ou encore Nantes. »
Seul hic, les grandes enseignes (notamment celles de luxe) ne seraient pas toujours attirées par notre centre. « Rennes est encore une métropole à taille humaine avec des locaux trop petits (la moyenne étant de 60 m2). Elle n’est d’ailleurs pas la seule concernée par le phénomène. Toutes les villes de moins de 250 000 habitants se retrouvent devant le même problème. » En revanche, coup de chance pour l’attractivité rennaise, les agences immobilières et les banques ne sont plus très présentes dans le cœur de la capitale bretonne. « La municipalité fait très attention à respecter la diversité commerciale, » assure un proche de la CCI.
Deux programmes structurants sont très attendus : l’Hôtel-Dieu et le palais du commerce.
À Rennes, nombreux seraient les porteurs de projets. Mais la métropole attire-t-elle de nouveaux concepts et produits des grandes marques ? « Notre métier est de fréquenter des salons nationaux et internationaux pour trouver d’inédits créateurs. Malheureusement, Rennes n’est pas la priorité. Les enseignes vont d’abord tester leurs idées, à Paris, puis Bordeaux, Lyon et Marseille. Nous arrivons bien après. » C’est peut-être là le seul problème…
Infos + : Début 2022, le centre-ville marchand de Rennes comptabilise 2 114 locaux commerciaux, soit le quart de l’offre du Pays de Rennes (en volume). Plus de 45 % des locaux actifs sont occupés par deux secteurs d’activités clés : les cafés-hôtels-restaurants et les magasins d’équipement de la personne. La vacance est stable depuis 2019 et en deçà de la moyenne nationale des hypercentres (selon les dernières données disponibles d’Audiar). Dans un contexte mouvementé, la dynamique se maintient avec de nouvelles implantations qui concernent majoritairement le format indépendant (80 % des ouvertures). Les secteurs qui comptent le plus d’inaugurations sont les cafés-restaurants (14 % des ouvertures) suivis de l’alimentation spécialisée (13 %) et de l’équipement de la personne (10 %). Pour en savoir plus.