Dans le centre historique de Rennes, sur le pavé en granit élimé par le temps et les passants, se tenait un barde à vieille barbe, ces derniers jours ! Il était juché sur un tonneau renversé. Figure intemporelle, il l’était l’écho vivant des troubadours d’antan. Son bonnet coloré aux motifs écossais coiffait son crâne. Sa cape d’un autre âge reposait sur ses épaules, et ses jambes étaient cachées dans des chaussettes en laine, se perdant dans des chaussures noires lustrées par l’usage.
Le barde serrait contre lui un instrument ancien, une vielle à roue, dont il sortait des mélodies celtiques. Il racontait des histoires d’hier et d’aujourd’hui, promenant ses doigts agiles sur les cordes et actionnant dans le même temps une manivelle grinçante ! Chaque rotation emmenait les marcheurs dans une ronde d’antan, dans un passé révolu, loin de notre Bretagne natale vers des contrées reculées où l’on dansait sous les yeux globuleux du monstre du loch Ness.
À ses pieds, la rue devenait théâtre. Deux marionnettes étaient habillées de tissus chatoyants. Elles attendaient leur tour pour entrer en scène. Devant elles, un chapeau vert était là pour recueillir les « écots » des passants. Parfois, les promeneurs s’arrêtaient un instant. Captivés ou simplement curieux, ils offraient au barde un public éphémère, emportant avec eux un fragment de la poésie.
Le barde de Rennes était plus qu’un musicien. Il était un conteur dont les chansons résonnaient sur les vieilles pierres de la ville. Dans son petit recoin, l’instrumentiste égayait de ses mélopées la journée grisâtre et froide. Il animait la rue d’Orléans, tel un père Noël écossais !