1182 vélos ont déjà été déclarés volés à Rennes depuis le début de l’année. C’est plus, en neuf mois, que toute l’année 2024. L’an passé, 1137 bicyclettes ont disparu de leur point d’attache. Le chiffre est effarant.
Les voleurs ne se cachent même plus. En plein jour dans l’hypercentre ou dans les quartiers pavillonnaires, on peut les voir. Ils démontent les roues pour repartir avec le cadre. Ils cisaillent les antivols… quand ils n’y vont pas carrément à la meuleuse. « J’ai croisé deux hommes en train d’arracher un vélo devant le métro Mabilais », illustre Ysé sur la page Facebook Vigivélo Rennes. « Je n’ai pas réussi à les dissuader, ils étaient agressifs », ajoute-t-elle.
Les témoignages de la sorte sont nombreux, et le constat souvent le même : « Comment peut-on tranquillement cisailler un cadenas, à la vue de tous et en pleine journée, sans que personne n’intervienne ? », s’interroge Timothée, victime d’un vol boulevard de la Liberté il y a quelques semaines. « J’avais attaché mon vélo électrique par le cadre, à un point fixe scellé au sol, pendant ma pause déjeuner. Je n’ai retrouvé que l’antivol par terre, coupé à la disqueuse. C’était un ‘spécial moto’ », précise-t-il.
« Le local de mon immeuble
est régulièrement visité »
Dans la rue, en garage collectif ou même chez soi
S’il est devenu risqué d’attacher son vélo dans Rennes, il est fréquent que les voleurs opèrent à l’intérieur des garages. « Le local vélo de mon immeuble est régulièrement visité. Des vélos y disparaissent chaque semaine », souffle Vanessa, habitante du quartier Arsenal-Redon.
« Le mien a disparu cette nuit dans mon local, en plein centre-ville. » « Mon vélo a disparu du local de mon appartement cette nuit. Ce matin, il y avait trois antivols coupés par terre. » « Mon VTT a disparu sur le campus de Rennes 1. Il était pourtant attaché avec un câble sur des arceaux en acier »… Hugues, Lola, Dowan, Léo… La liste est longue. Et à aucun moment on ne peut leur reprocher d’avoir laissé leur vélo sans surveillance ou sécurité.
« Une fois entrés dans le sous-sol, les voleurs sont à l’abri et n’ont plus qu’à faire leur marché », ajoute Thibaud, victime d’un vol en août près des Horizons. « Parfois, on a même l’impression que tout est fait pour aider les voleurs : regardez cet immeuble neuf… Le garage à vélo est en rez-de-chaussée, la porte est vitrée et on ne peut attacher les cycles que par la roue avant. On dirait une vitrine pour voleurs », plaisante — amère — Théo devant un collectif de Saint-Jacques-de-la-Lande.
« Dans tous les nouveaux programmes immobiliers, les locaux ne sont pas sécurisés et aucun point fixe au mur ne permet d’attacher convenablement les vélos. Il faut insister auprès des syndics pour que ces installations de pacotille ne deviennent pas la norme », râle Cyril.
La semaine dernière, proche de la rue de Nantes, quatre vélos ont disparu de garages particuliers dans une rue calme. « Je suis sorti pour rentrer une poubelle à vingt mètres. Un individu s’est engouffré chez moi pendant ces trente secondes », explique un riverain. Ses voisins, victimes à quelques minutes d’intervalle dans une rue parallèle et présents chez eux au moment des faits, n’ont rien vu non plus. « Une chose est sûre : des gens surveillent nos habitudes. Ils se “baladent” dans le quartier et passent à l’action. »

Un réseau organisé ?
Des livreurs sur de bien belles montures
« Attention, je ne dis pas que ce sont eux les voleurs. Mais questionnez-vous », prévient Germain. Depuis quelques semaines, et après le vol de son vélo cargo dans le quartier Sainte-Thérèse, il regarde passer les livreurs Deliveroo et Uber Eats par la fenêtre de son bureau en rez-de-jardin, près de la place Charles-de-Gaulle.
« Ces travailleurs sont pour la plupart les esclaves d’un système et travaillent illégalement. Mais regardez leurs vélos de fonction : ce sont des bécanes électriques entre 2 000 et 4 000 euros pour 80 % d’entre eux. Comment expliquez-vous que ces livreurs, souvent vêtus de haillons, puissent s’offrir de tels engins ? C’est impossible. Ils profitent d’un système souterrain, alimenté par des trafiquants qui vivent du vol de vélos partout en France, c’est indéniable », analyse-t-il.
La police enquête
« Ponctuellement dans l’année, des découvertes de stocks de vélos volés ont eu lieu, mais sans proportion conséquente et sans que les procédures ne puissent identifier des filières d’écoulement ou des donneurs d’ordre », expliquent les policiers du commissariat de Rennes.
« Sur la période du 1er septembre au 16 octobre 2025, 19 gardes à vue ont été prises dans le cadre de vols ou de recels de vélos à Rennes », assurent les forces de l’ordre.
Afin de se prémunir, l’hôtel de police rappelle quelques consignes : « Les rappels de prévention sont évidemment toujours de mise avec l’achat d’un système antivol adéquat, l’accroche des cycles sur des points fixes et, si possible, en zone éclairée, le gravage et l’identification du vélo dans le FNUCI (Fichier national unique des cycles identifiés)… Et, si possible, un système de localisation. »
Une page Facebook comme une bouteille à la mer
Sur Internet, de nombreux Rennais postent des photos de leur cycle dérobé, dans l’espoir de le retrouver. La page Vigivélo Rennes regorge de clichés et de SOS.
« Cette page a été créée en 2018 dans le cadre d’une expérimentation de puces pour tracer les vélos. Depuis, elle ne cesse de grossir et regroupe presque 5 000 internautes. Chaque jour, des photos sont postées pour demander de l’aide à la communauté. Il est malheureusement rare que ces avis de recherche aboutissent. Lorsqu’un vélo est retrouvé, c’est toujours une grande satisfaction », explique Owain, co-créateur de la page.


