Hier soir, jeudi 20 juin, le conseil de « Rennes métropole » traînait en longueur. On s’endormait presque à l’écoute des discours lénifiants de nos élus sur un sujet pourtant essentiel : la transition écologique. Mais au moment où l’orage grondait dans le ciel et les lacrymogènes rendaient fous les ultragauches sur la place République, Carole Gandon et Charles Compagnon réveillaient tout le monde. Ils s’emparaient de l’affaire de l’incinérateur de Villejean (UVE), arrêté depuis quelques mois par la volonté de l’agglomération (voir nos différents articles). En cause : des avis divergents entre les cabinets commandités par la collectivité (Apave, Bureau Veritas) et l’expert judiciaire, désigné par le tribunal. En cause : une facture qui pourrait être lourde pour le contribuable.
« Ce dossier est une bombe, un véritable scandale qui va indéniablement laisser des traces indélébiles sur votre réputation d’élus sérieux et bons gestionnaires », a pesté Carole Gandon, leader de l’opposition rennaise. « Il ne s’agit pas d’une bataille d’experts », a-t-elle ajouté. Car pour elle, toutes les vérifications ne peuvent pas être mises sur le même plan. « D’un côté, des prestataires (APAVE, Bureau Veritas) payés par la communauté diffusent une information orientée et non contradictoire. De l’autre, un spécialiste indépendant mandaté par le tribunal administratif, a établi un rapport complet à l’issue d’une démarche de consultation des parties prenantes sur le principe du contradictoire. »
L’APAVE et Bureau Veritas, structures missionnées par la collectivité, interviennent comme consultantes. Or elles exercent aussi une profession de certificateur, les plaçant en concurrence au niveau européen avec l’organisme de certification choisi par RUTHS, l’INAIL. »
Autre pierre d’achoppement pour l’élue d’opposition : l’impact financier. « Les chiffres sont littéralement vertigineux. La gestion catastrophique de ce dossier nous est déjà revenue à près de 70 millions d’euros d’argent public, payés par le contribuable métropolitain. 70 millions d’euros pour avoir un ordre de grandeur, c’est presque 3 fois le coût de la rénovation de la piscine Saint-Georges à Rennes. 70 millions d’euros, c’est le coût du projet de l’hôtel-Dieu. 70 millions €, c’est le coût de construction du Zénith de Strasbourg. » Leader de l’opposition de centre droit, Charles Compagnon évoque lui une communication de la métropole « partielle » et par conséquent « partiale ». « Quand on lit les documents, rien ne va. Il ne faut plus parler du dossier de l’UVE, mais bien de l’affaire de l’UVE. Les habitants ont besoin de savoir quelles conséquences pour eux, pour l’environnement, pour les finances de la métropole.
C’est un fiasco écologique. Depuis décembre, une noria de camions part pour détruire nos déchets. » Charles Compagnon.
Devant le flot de critiques, Laurent Hamon, vice-président de Rennes métropole, soutient mordicus être transparent. « Nous avons partagé toutes les conclusions des expertises avec les élus lors d’une conférence des maires et avons convoqué la presse pour les informer (notre journal n’était pas invité). Aujourd’hui, la métropole se trouve face à des analyses divergentes. Ce qui ne permet pas de garantir en l’état que l’installation respecte toutes les sécurités. Nous avons entrepris de nombreuses actions pour redémarrer le chantier au plus vite et ouvrir notre usine dans de bonnes conditions. Nous serons probablement amenés à arbitrer sur les suites à donner cet été. »
Devant le flot des critiques, Laurent Hamon a annoncé la création d’une mission d’information d’évaluation et d’études. « Nous espérons qu’elle fera toute la lumière sur cet arrêt de chantier qui a provoqué une hausse de 74 % de la taxe des ordures ménagères, en trois ans », a tenu à préciser Gaël Lefeuvre, maire de Thorigné-Fouillard. « Nos concitoyens comptent sur nous et sont en droit de connaître toutes les raisons. Car ce sont eux au bout du compte ceux qui payent. »
Ce dossier est éminemment technique. Nous y passons des jours pour essayer de trouver la meilleure solution pour retrouver notre équipement le plus rapidement possible. » Laurent Hamon
Devant le flot de critiques, le soldat Morin est venu à la rescousse des élus majoritaires. « C’est un sujet complexe qui mérite mieux que des raccourcis. Exercer des responsabilités, ce n’est pas instrumentaliser des difficultés en créant des polémiques politiciennes dans lesquelles certains se sont engouffrés encore ce soir, notamment dans la presse et dans les réseaux sociaux. C’est pourquoi les élus du groupe saluent la transparence et les explications apportées par la présidente et le vice-président aux conseillers métropolitains, conseil après conseil. Le projet doit être mené à son terme dans les meilleurs délais, en garantissant la sécurité et la sûreté de l’équipement. »
Piqué au vif, Laurent Hamon assure opérer avec détermination. « Il y a la mesure des uns et les postures des autres sur ce dossier », a ajouté Nathalie Appéré, présidente de Rennes métropole. « Nous ne transigerons pas avec la sécurité de nos installations et jamais nous ne prendrons le risque d’exposer qui que ce soit. Personne ne doit perdre la vie sur son lieu de travail. Ici où là, j’ai entendu aussi des vérités alternatives, comme on dit pudiquement aujourd’hui. J’espère que ceux, qui se sont empressés d’exiger publiquement la reprise immédiate des travaux sur la base d’un seul rapport d’expertise, ont pris conscience de l’inconséquence de leurs propos et de l’absurdité de leur posture. L’enjeu, c’est d’avoir une usine qui fonctionne et qui fonctionne en toute sécurité, le plus vite possible, pour préserver les intérêts, y compris financiers, de la métropole et de ses habitants. » Depuis maintenant plus d’un an, le chantier de l’incinérateur est suspendu malgré une noria d’expertises (dont des indépendants). Depuis maintenant plus d’un an, la facture s’alourdit pour les contribuables. À un moment donné, les élus devront avoir le courage de se positionner sur la reprise ou non du chantier. C’est bien tout ce qu’on leur demande.
Infos + : «Nous nous engagerons activement dans cette mission », a promis Carole Gandon. « Nous avons hâte de pouvoir faire toute la lumière sur les nombreux manquements et surtout sur les responsabilités dans la gestion de ce dossier qui pèse lourdement sur le bilan financier et écologique de notre métropole. Aussi, à ce titre, il nous semble absolument inenvisageable que André Crocq, malgré ses qualités, puisse devenir rapporteur de cette mission, en qualité d’ancien salarié de Véolia. »