80 millions d’euros d’investissement, 500 emplois à la clé, un projet industriel qualifié de faible impact environnemental : l’arrivée de Safran à Rennes aurait dû faire l’unanimité. Elle a au contraire déclenché une violente polémique, illustrée par l’accueil hostile réservé à son PDG, Olivier Andriès. Critiques d’élus écologistes, divisions au sein de la majorité municipale… Le projet est devenu le symbole des tensions entre réindustrialisation et écologie politique depuis ces derniers jours.

Le traitement réservé à ce projet en dit long sur le climat politique local. Lors de son audition à l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission d’enquête sur les freins à la réindustrialisation, le PDG de Safran, Olivier Andriès, n’a pas été tendre avec les écologistes rennais. « J’ai été accueilli à Rennes à coup de tomates en guise de remerciement pour l’engagement de mon entreprise en faveur de l’emploi et de l’industrie dans l’Ouest. […] Si c’est pour être ainsi quand on crée 500 emplois dans une région, ce n’est pas la peine. […] Chaque fois que l’on aura un choix de localisation, systématiquement, je bannirai une offre faite par une ville détenue par une majorité écologiste. »
Même Nathalie Appéré avait dû tenir à l’écart ses alliés écologistes. […] », Charles compagnon
La réaction du grand patron a provoqué de vives réactions. Charles Compagnon, élu rennais de l’opposition rennaise (centre droit), est le premier à tirer à boulets rouges. « Je ne peux accepter de laisser ma ville s’enfoncer dans ce type de pratique. Rennes mérite mieux et, cher Olivier Andriès, soyez certain que nous y travaillons. Merci pour votre engagement. » À l’extrême-droite, le ton est plus sévère encore. Julien Masson (RN) dénonce un climat de sabotage politique. « Rennes est de nouveau pointée du doigt, non pas pour ses fusillades et coups de couteau hebdomadaires mais pour le pouvoir de nuisance des élus dits “écolos” ! L’un des plus grands freins à notre souveraineté, à la nécessaire réindustrialisation de notre pays et au dynamisme économique de nos territoires est bien l’idéologie bobo-écolo décroissante et punitive mise en place à Rennes et ailleurs. Une nouvelle fois, les élus dits “écolos”, bien plus rouges que verts, nous font honte. »
Carole Gandon, cheffe de file de Révéler Rennes, voit dans cet épisode une menace directe pour l’image et l’attractivité économique de la ville. « Quand des tomates remplacent l’ambition, Rennes y perd. […] La métropole mérite mieux que ces postures dogmatiques qui nous font passer, aux yeux du monde économique, pour une ville fermée à l’innovation, à l’industrie et à l’emploi. » Elle critique la position floue de la maire socialiste Nathalie Appéré. « Le soutien à Safran ne peut pas se faire en catimini, en coulisses, pendant qu’une partie de l’exécutif municipal alimente la défiance publique. Ce double discours est non seulement hypocrite, mais il est dangereux pour l’attractivité de notre territoire. L’écologie politique, quand elle vire à l’hostilité systématique contre l’économie, devient un poison pour notre territoire. L’avenir de Rennes mérite mieux que des tomates. »
Le syndicat CFE-CGC de Bretagne, de son côté, se veut tout aussi déterminé à défendre le projet. « Les entreprises de la métallurgie doivent fonder leurs décisions d’investissement sur des données objectives et sur les atouts des régions. […] Comparativement à ceux des autres branches, les entreprises de la métallurgie portent des emplois de qualité et de bonnes rémunérations. » Le syndicat soutient pleinement l’implantation de Safran. « Que ce soit Safran à Rennes ou à la Fonderie de Bretagne à Caudan, les choix stratégiques que sont l’aviation et l’armement interviennent actuellement au plan national sur les sujets de souveraineté industrielle. […] Les salariés et les élus CFE-CGC sont parfaitement mobilisés pour que ces réindustrialisations respectent les 3 piliers de la RSE : économie, social et environnement. » Entre ambitions industrielles et choc idéologique, le projet Safran agit comme un révélateur : celui d’une ville à la croisée des chemins, où se joue une bataille décisive pour l’avenir économique, écologique et politique de tout un territoire.