Rennes Métropole, qui comptait environ 457 000 habitants en 2019, est dirigée depuis belle lurette par les socialistes, avec un soutien croissant des écologistes ces dernières années. Après Edmond Hervé, Daniel Delaveau et Emmanuel Couet, Nathalie Appéré en est la présidente depuis 2020. « Ils sont au pouvoir depuis 1989, soit plus de trente ans ! » souligne un élu d’opposition rennais. Quatrième métropole la moins densément peuplée, sa progression démographique et économique en fait l’une des agglomérations les plus dynamiques de France. Mais pour la Chambre régionale des comptes de Bretagne (observateur indépendant et éclairé), il est un domaine où le bât blesse sérieusement. « Rennes Métropole ne dispose pas de projet de territoire, ce qui constitue un handicap majeur pour son développement. Sa stratégie de développement économique est obsolète puisqu’elle remonte à 2014 et n’a pas été redéfinie lors de la création de la métropole. »
Un engagement fort, mais un manque de vision globale
La critique est sévère ! Car derrière cela, la Chambre pointe du doigt un déficit de vision stratégique. « Les plans de déplacements urbains, de l’habitat et du climat illustrent sa forte implication sur son cœur de métier. Mais ils ne sauraient se substituer à un projet global de développement devant fixer à l’échelle du territoire les priorités dans les différentes politiques publiques définies par le législateur : aménagement, essor économique, écologique, éducatif, culturel et social. » Face à cette observation, Marine Ducamin, vice-présidente de Rennes Métropole, réagit vivement. « Cette institution n’a pas à apprécier l’opportunité des choix d’une collectivité. Elle doit évaluer la sincérité, la fiabilité et la régularité des comptes ainsi que la qualité de la gestion. Nos politiques publiques s’appuient sur de nombreux documents-cadres, fréquemment révisés. Ces choix ne limitent pas notre dynamisme. »
Même position pour la vice-présidente, Emmanuelle Rousset, qui se montre tout aussi étonnée par le constat de la Chambre. « Nous sommes surpris de lire sous la plume d’un magistrat financier que notre métropole manquerait d’un tel projet. Nous avons bel et bien un programme cohérent qui se décline en plusieurs documents issus d’une large concertation. Sans tous les citer, je pense au plan local de l’habitat, au plan de déplacement urbain, au plan pour les aînés, au plan local d’aménagement économique… Notre politique publique repose sur un cap clair que nous avons fixé en début de mandat. Elle s’inscrit dans l’identité d’un territoire parmi les plus dynamiques. Preuve en est : des agents postulent dans nos communes, des entreprises se développent ou notre solde naturel de notre population est positif. Le magistrat financier vient juger une action d’une institution démocratiquement élue, à rebours de la libre administration des collectivités et de la séparation des pouvoirs. » À l’inverse, Jean-Pierre Savignac, maire de Cesson et membre du groupe des élus indépendants, appelle à la rédaction d’un tel document. « Nous devons écrire ce projet avant de penser à de nouveaux programmes d’envergure. »
Informations supplémentaires : l’agglomération rennaise souffre d’un endettement croissant. « L’encours de la dette est passé de 137 millions à 370 millions d’euros, et celui du budget transport de 100 millions à 452 millions d’euros. La programmation pluriannuelle des investissements demeure ambitieuse, avec près de 1,7 milliard d’euros d’opérations prévues entre 2023 et 2027. Son financement conduit Rennes Métropole à anticiper une dégradation de sa capacité de désendettement, qui s’élèverait à 8,8 années en 2027 pour le seul budget principal. Elle entrerait alors dans une zone d’alerte, avec à la clé de probables tensions financières», note la chambre régionale. En réponse, les élus de la majorité soulignent leur bonne gestion, reposant sur des recettes dynamiques et des dépenses contrôlées. « Nous nous engageons quand nous en avons les moyens», ajoute Marie Ducamin. Pas de quoi rassurer le maire de Cesson, plus sceptique sur la démarche métropolitaine. « Nous sommes à la croisée des chemins. Il est nécessaire d’anticiper ces tensions en élaborant des stratégies d’investissement. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons plus accompagner les besoins des communes. »