En 2018, la nouvelle carte scolaire faisait déjà l’objet de mécontentement (voir notre article : https://www.rennes-infos-autrement.fr/carte-scolaire-des-colleges-une-manif-dans-les-rues-de-rennes/). La même année, en janvier, les parents de l’école Camille Claudel s’opposaient vertement contre le projet départemental d’envoyer leurs enfants au collège Vautier (et non à Anne de Bretagne).
Cinq ans plus tard, le département revoit sa carte scolaire et, à nouveau, provoque la colère de nombreux pères et mères. « Cette réforme est proposée au nom d’une meilleure mixité, mais elle ne tient pas compte de l’intérêt premier des bambins ! Certains, selon les options, vont devoir traverser toute une partie de la ville et faire jusqu’à 1 h 20 de transport par jour ! », explique un collectif de Rennais (leur pétition).
Contre ce projet, les parents sont déjà plus de 500 à signer le texte de revendications. « La mixité sociale commence par le logement et non en baladant des enfants d’un bout à l’autre de la cité ! Cette proposition ne peut qu’amener les gens à se tourner vers le privé ! », confie Mathieu, l’un des signataires. Même son de cloche chez Valérie. « Cette réforme est impensable à l’heure de l’écologie, des économies et au niveau sécurité. Laisser des collégiens qui sortent du primaire partir si loin, seuls en bus, est inconcevable ! »
Un avis partagé par un autre signataire. « La proximité est essentielle pour l’éducation des enfants ! En sixième, il n’est pas concevable de ne pas aller à pied au collège ! » Une parente préfère ironiser. « En tant que parent de l’école Moulin du comte, je suis estomaquée par ces propositions de salon complètement déconnectées de nos réalités. Séparation des fratries, moyens de transport non évalués : est-on bien sérieux ? »
Ce projet absurde ne réglera pas le problème de l’intégration et va complexifier la vie des enfants au quotidien», assure un signataire
En réponse, Jeanne Larue, vice-présidente du conseil départemental, tente de minimiser la polémique. «Notre collectivité travaille sur ce chantier depuis un an et demi, avec l’éducation nationale, les représentants des communes et la communauté éducative (parents, enseignants et chefs d’établissement). Nous le faisons, car les évolutions démographiques et le constat d’une forme de ségrégation (par le haut ou par le bas) nous imposent d’amender cette carte à chaque mandature. Les dernières modifications remontent à 2017, avec notamment la création d’un secteur multicollèges dont nous tirons les enseignements. »
Face au mécontentement, le département se défend vertement. « Nous souhaitons rétablir plus d’égalité éducative entre les collégiens rennais. » Face à la colère familiale, les élus s’appuient sur des chercheurs. « La mixité sociale crée de l’émulation. Elle diminue la pression scolaire, améliore l’estime de soi de tous et toutes », convient Pierre Merle. Pour le département, les oppositions les plus fortes viendraient de certains parents. « Ceux-ci désirent le statu quo. Ce qui n’est pas acceptable en termes d’égalité des chances. »
Malgré tout, Jeanne Larue dit avoir pris en compte l’ensemble des remarques, lors des ateliers de concertation organisés au mois de juin et de différentes réunions. « En novembre, nous devrons avoir sélectionné les scénarios qui n’ont pas tous vocation à s’étendre dès septembre 2024. Ainsi, les mesures concernant Cleunay, que nous restructurons entièrement, s’appliqueront à la fin des travaux soit 2026 », tient à préciser l’assemblée départementale.
Face à la contestation, le département veut apaiser les esprits. « Il ne s’agit pas d’opposer les contraintes individuelles à l’intérêt général, mais on attend de notre part de prendre en considération avant toute chose le bien-être des enfants. Nous avons cela en commun avec les parents. » Mais d’ores et déjà, de nombreuses familles lorgnent sur le privé. Elles comptent inscrire leurs filles et garçons dans des établissements, comme Saint-Vincent ou encore Le Vieux-Cours. « Pour ce qui concerne le privé, répond Jeanne Larue, c’est-à-dire la possibilité pour certains de recourir à une forme de séparatisme scolaire. Ce sont des choix sur lesquels je n’ai pas à me prononcer, ils sont constitutionnels. » Le principe de mixité et de laïcité est-il suffisamment ancré dans les esprits pour empêcher une fuite des jeunes cerveaux vers les institutions catholiques ?