8 C
Rennes
lundi 9 décembre 2024
AccueilActualitésMORT D’UN MOT DE TROP ET D’UN SOURIRE DE TRAVERS : 25 ANS...

MORT D’UN MOT DE TROP ET D’UN SOURIRE DE TRAVERS : 25 ANS DE PRISON POUR LE MEURTRIER

Le 3 mars 2018, à 2 h 35, Rodrigue Prince, âgé de 37 ans, tire une seule balle devant le café El Cubanacan, boulevard de Verdun. Face à lui, sa victime s’effondre sur la chaussée. Malgré des tentatives de réanimation, Stéphane Phobère, originaire de Guadeloupe, meurt dans la rue. Quatre ans plus tard, l’assassin comparaissait devant la Cour d’assises d’Ille-et-Vilaine. Chemise blanche, sans cravate, le prévenu râblé et costaud, Guyanais de souche, se cache derrière son masque. Entouré par trois policiers, il a du mal à laisser poindre ses émotions. « C’est une carapace », justifie son avocat, Jean-Guillaume Le Mintier. « Il souffre de trop de blessures narcissiques : le deuil d’un père, les échecs affectifs, sociaux et professionnels. La pensée, la verbalisation ne sont pas son truc. Dans l’univers de mon client, les hommes ne pleurent pas par honneur et par fierté. » 

Une carabine pour tuer du gros gibier

Mais en face de lui, les avocats de la famille de la Stéphane Phobère (Olivier Chauvel, Camille Ernsberger, Erwann Prigent) ne disposent pas du tout la même version. Ils ne veulent pas voir Rodrigue Prince en une victime. « On ne peut pas lui laisser une place sur le banc des parties civiles », tonne maître Olivier Chauvel. « Il ne tenait pas dans ses mains un fusil, mais une carabine ! Le danger devient infiniment plus grand. Cette arme est fabriquée pour arrêter net les gros gibiers, les pachydermes et les hippopotames. » Sans l’ombre d’un doute, Olivier Chauvel est convaincu de la culpabilité de Rodrigue Prince. « Quand on tire dans le dos d’un individu (avec une balle à 2400 km/h), on sait qu’on va le tuer. Quand on provoque toute une soirée un homme, il n’existe pas de place au hasard. Quand on manipule une arme, on imagine exactement  ce qui va se passer. »

L’assassin a tué parce que le rieur lui a mal parlé… », assène Jean-Marie Blin. 

 

Chez Rodrigue Prince, Olivier Chauvel ne décèle aucune once d’humanité. « Il n’a pas porté secours à la victime. Il a rejoint tranquillement sa voiture. Il paradait. » Face à la théorie « vous êtes tous contre moi, le coup est parti tout seul », l’avocat général Jean-Marie Blin n’a aucune indulgence. « Stéphane Phobère est mort d’un mot de trop et d’un sourire de travers. » Le magistrat ne voit pas en Rodrigue Prince le vengeur masqué de la communauté guyanaise. « L’histoire est moins belle que celle du film, West Side Story. Nous ne sommes pas ici dans une rivalité de bandes. Rodrigue Prince est au contraire le héros des Carnets du Sous-Sol de Fiodor Dostoïevski. Rongé par le ressentiment absurde, il cherche et guette sa proie pour venger son humiliation. C’est un geste de colère, d’un homme qui ne veut pas lâcher l’affaire… »

Où est l’intention criminelle ? 

À défaut d’être un redresseur de torts, Rodrigue Prince est dépeint comme un meurtrier de sang-froid. « Achetée 48 heures plus tôt, sa carabine était prête à l’emploi. Il n’est pas soumis à une impulsion subite, soudaine. Son mobile et son positionnement font de lui un danger. Je requiers  25 ans de réclusion criminelle, avec une peine de sûreté des deux tiers et une interdiction de posséder une arme pendant quinze ans. » Devant un tel portrait, la tâche semblait ardue pour Jean-Guillaume Le Mintier. « Les deux individus se connaissaient, » assure-t-il. « Pour expliquer son geste, il faut comprendre les craintes légitimes de Rodrigue Prince, les ressentis qui l’ont conduit à agir et à surgir. Il était l’ennemi à abattre, l’homme traqué. Ces intimidations, ce tir, dont il a fait l’objet quelques jours, quelques semaines, deviennent l’élément de ce passage à l’acte. Dans son monde, les menaces sont suivies d’exécution. » 

Mais Rodrigue Prince a-t-il tué intentionnellement ? L’avocat est loin d’en être persuadé. « Il a agi sur un coup de sang, à visage découvert. Il a choisi la mort sociale. C’est un immense gâchis pour les deux familles. » Dans cette affaire, Jean-Guillaume Le Mintier ne désire pas se contenter d’approximation, regrette une reconstitution pratiquée dans une salle d’audience (cause du covid). « Il a tiré une seule fois, un tir non suivi d’un autre. Il n’avait pas l’intention de tuer sa victime. Il tenait son arme à hauteur de la hanche dans l’obscurité la plus complète, à quatre ou cinq mètres de Stéphane Phobère en mouvement. » Après son geste, Rodrigue Prince n’a pas non plus cherché à fuir, à quitter le département. « On l’a retrouvé vingt-quatre heures avec son arme. Tout ceci me laisse penser qu’il avait accepté son sort judiciaire. Je souhaite un verdict porteur d’espoir et juste par rapport à son acte commis. » La cour d’Assises d’Ille-et-Vilaine a condamné Rodrigue Prince à une peine de 25 ans de réclusion dont une peine de sécurité des deux tiers. Rodrigue Prince est resté sans réaction. 

 

 

 

 

jean-christophe collet
jean-christophe collet
Lancé par le journaliste Jean-Christophe Collet en 2012/2013, www.rennes-infos-autrement.fr devient un site d’informations en 2015 et est reconnu comme site d’informations en ligne par le ministère de la Culture et de la communication.

// Dernières nouvelles publiées

PANNE D’ÉCLAIRAGE PUBLIC : UN DYSFONCTIONNEMENT TECHNIQUE

Le 9 décembre 2024, à la tombée de la nuit, plusieurs quartiers de Rennes, dont Sacré-Cœur, Brest et Saint-Martin, se sont retrouvés plongés dans...
- Advertisement -
- Advertisement -

// Ces articles peuvent vous intéresser