Dimanche 9 octobre 2022, 6000 coureurs vont prendre le départ de l’épreuve du dix kilomètres de Tout Rennes Court. Ils sont jeunes, moins jeunes, vieux et moins vieux. Parmi eux, dans le « sas » numéro 5, Charles Compagnon, leader de l’opposition centre droit, n’en mène pas large. « Il y a eu un malaise, lors du semi », indique-t-il. « Tu vas nous porter la poisse », lui répond, amusé, son ami. Derrière lui, de nombreux anonymes angoissent ! Dans moins de cinq minutes, ils vont s’élancer sur les pavés rennais. Mais les peurs s’envolent bien vite et comme par enchantement au moment de passer la ligne du départ sous l’œil du photographe et des premiers encouragements.
À l’ombre des arbres du boulevard de la Tour d’Auvergne, les spectateurs sont innombrables et le sont, encore plus, place de Bretagne où un big band entraîne efficacement les joggeurs. Mais pas le temps d’apprécier la musique… On arrive déjà au premier kilomètre où la masse des joggeurs devient moins compacte. Dans la foule, Christophe (135 kilos, il y a deux ans !) court son premier Tout Rennes Court à 55 ans. « J’ai envie de parvenir au bout », explique-t-il à son ami qui court près de lui. Mais qu’il ne s’inquiète pas ! Sa foulée n’est pas très orthodoxe, mais diablement efficace devant la cathédrale de Rennes où le prêtre de service, de vert vêtu, bénit amusé le flot des Rennais et des Rennaises.
Sur les quais, les foulées sont moins amples. Sous le soleil, les efforts sont bien plus importants. Heureusement, les Rennais emportent avec eux les compétiteurs vers le parc Oberthur. « J’en peux plus, » affirme un joggeur à une de ses amies, Claire. Mais près de lui, un de ses compagnons de bitume l’encourage. Il a fait le 20 kilomètres et enquille le dix kilomètres pour soutenir son camarade ! A cet instant, il reste à peine trois kilomètres et Christophe est toujours là, luttant contre lui-même, contre les faiblesses physiques, le fléchissement moral.
Sur un trottoir, une famille sirote l’apéro confortablement assis dans des fauteuils. Elle encourage Christophe qui, bientôt, voit au loin la ligne d’arrivée. Son challenge est désormais réussi en une heure sept secondes.…comme près de 6000 coureurs ! Il prend son téléphone et appelle sa fille, sa femme, son fils. Dans sa voix, il y a les trémolos de l’émotion et la joie intense d’avoir accompli l’essentiel. D’avoir laissé sur le bitume ces kilos superflus, ce lourd poids du passé.