Au cours de l’année 2018, des enquêteurs mettaient à jour un important dossier de trafic de produits stupéfiants sur la région Bretagne, sous l’autorité d’un juge d’instruction de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes. Grâce à des interceptions téléphoniques, ils découvraient également un conséquent réseau de blanchiment. « L’un des trafiquants avait recours au dispositif de hawala en région parisienne pour blanchir l’argent de la drogue. Il avait ainsi en janvier 2018 notamment, en un voyage, déposé à un blanchisseur la somme de 50 000 euros », confie le procureur de la République, Philippe Astruc.
Les investigations, en particulier de l’Office Central de répression de la Grande Délinquance financière (OCRGDF), permettaient de mettre à jour deux réseaux de blanchiment de montants très importants. Le premier réseau était fondé sur un système de hawala. Il impliquait deux donneurs d’ordre, l’un situé au Maroc, l’autre en Mauritanie (plus de 5 millions d’euros blanchis entre avril 2018 et janvier 2019). »
Des sommes importantes saisies
Le deuxième réseau mettait en cause des personnes d’origine pakistanaise, ayant recours notamment à des faux en écriture, dont des fausses factures (plus de 43 millions d’euros entre 2018 et 2020). « Dans cette affaire, 475 000 euros en espèces ont été saisis lors d’une perquisition en région parisienne, outre de nombreux cahiers de comptes et enveloppes. Un flagrant délit, opéré le 25 mars 2019, entraînait aussi la découverte de 134 685 euros dans un véhicule, porte de Montreuil à Paris. Dans ce dossier, la somme totale de 856 525 euros en billets a été confisquée (…). »
L’instruction permettait de mettre en examen au total 24 personnes des chefs de blanchiment en bande organisée. Quatorze individus seront jugés du lundi 4 au 7 avril 2022 devant le tribunal correctionnel de la JIRS de RENNES, dont quatre sont visés par un mandat d’arrêt. « Le principal animateur de la filière “pakistanaise”, ayant recours à des sociétés lessiveuses, comparaîtra détenu. »
Les prévenus, dont une femme, sont âgés de 32 à 58 ans. De diverses nationalités (notamment Français, Pakistanais, Marocains, Congolais, Sénégalais), ils résident tous en région parisienne. Ils étaient, pour la plupart, jusque-là inconnus de la justice. Ils encourent une peine de 10 ans d’emprisonnement, des amendes délictuelles, et des peines complémentaires (interdiction à titre définitif du territoire français etconfiscation de leurs biens).
Le juge d’instruction de la JIRS a par ailleurs ordonné le renvoi des 10 autres mis en examen pour être jugés selon la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). « Ces personnes ayant eu recours au réseau pour blanchir l’argent de la fraude fiscale, de manquements aux obligations déclaratives, ou du travail illégal notamment, ont reconnu les faits. » Les audiences de jugement de ces individus, chefs d’entreprise pour la plupart majoritairement français, mais également polonais ou roumains, seront fixées prochainement.
Qu’est-ce que le hawala : Système traditionnel de transfert d’argent, effectué via un réseau d’intermédiaires. Les échanges ont pour spécificité de ne pas nécessiter d’échanges de moyens de paiement et d’être basés sur la confiance entre les intermédiaires, avec des promesses non écrites de remboursement. Les systèmes d’Hawala sont utilisés aujourd’hui dans les marchés sous-bancarisés, mais également pour limiter les frais bancaires très significatifs dans certaines régions du globe, et parfois à des fins de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale ou de financement d’activités illicites, le système d’Hawala laissant très peu de « traces ». Par conséquent, l’Hawala est illégal dans de nombreux Etats, mais demeure difficile à détecter.