Le 4 mai 2021, quatorze personnes ont été interpellées en Ille-et-Vilaine, Vendée et Loire-Atlantique par la police judiciaire de Nantes (mobilisation de 25 policiers) et la Brigade mobile de Recherche de la Police aux Frontières 44. Elles sont soupçonnées d’appartenir à une organisation pratiquant la fausse sous-traitance dans le secteur du bâtiment.
L’enquête préliminaire, débutée en janvier 2020, démarrait par un renseignement anonyme, parvenu aux services de police. « Un ressortissant turc demeurant à Nantes facilite l’emploi de travailleurs turcs et azéris en situation irrégulière sur le territoire national au moyen de faux papiers », précisait la source. Au cours de longs mois d’une enquête très technique, la brigade financière de la police judiciaire de Nantes découvrait des montages financiers entre sociétés du bâtiment ( la fausse facturation de sous-traitance). « Elle effectuait de nombreuses surveillances pour matérialiser les liens entre cette organisation et des entreprises du bâtiment, installées dans les régions nantaise et rennaise », ajoute le procureur de la République, Philippe Astruc.
Agissant depuis 2018, cette organisation reposait sur quatre sociétés fictives immatriculées par des prête-noms au tribunaux de commerce de Nantes et Rennes. Dépourvues de matériel et de locaux, ces sociétés facturaient de fausses prestations de sous-traitance à des entreprises du bâtiment. « Ce dispositif permettait notamment aux entreprises bénéficiaires de ne pas s’acquitter des cotisations sociales obligatoires et de faire travailler des personnes non déclarées. L’étude des comptes bancaires de ces sociétés fictives mettait en évidence des virements adressés à des personnes physiques ne faisant l’objet d’aucune déclaration sociale obligatoire et se trouvant, pour certaines, en situation irrégulière sur le territoire national. »
Une partie des sommes reçues faisait également l’objet de retrait en espèces et de mandats, quasi exclusivement à destination de la Turquie. Au total, les flux financiers correspondant à ces fausses facturations de sous-traitance, étaient estimés à plus de 4 millions d’euros entre septembre 2018 et avril 2021.
Ces interpellations sont intervenues dans le cadre d’une commission rogatoire d’un juge d’instruction de la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS), saisi depuis novembre 2020 pour des faits d’abus de biens sociaux, faux et usage de faux dans un document administratif commis de manière habituelle, blanchiment commis en bande organisée et recours en bande organisée aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé.
Treize hommes et une femme, n’ayant pas ou peu d’antécédents judiciaires, ont été interpellés au cours de cette opération judiciaire. Douze d’entre eux ont été présentées au juge d’instruction les 7 et 8 juin aux fins de mise en examen notamment sur les faits de blanchiment commis en bande organisée et recours en bande organisée aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé. Trois hommes ont été placés en détention provisoire, dont un ressortissant turc âgé de 43 ans, soupçonné d’être à la tête des sociétés fictives. Les neuf autres ont été placées sous contrôle judiciaire. « Cette procédure atteste qu’au-delà de son rôle de sanction des infractions troublant l’ordre public, l’institution judiciaire, et notamment les JIRS et les services d’enquête spécialisés, agissent pour identifier et sanctionner les auteurs des infractions portant gravement atteinte à l’ordre social », précise le Procureur de la République de Rennes.