Dans une enquête fouillée parue ce jour, les journalistes d’Ouest-France, Samuel Norha et Virginie Enée, reviennent longuement sur le chantier à l’arrêt du nouvel incinérateur de Villejean (appelée par la métropole usine de valorisation des déchets). Ils évoquent les conclusions d’un expert judiciaire, mandaté par le tribunal administratif de Rennes, qui ne mâche pas ses mots à l’égard de Rennes métropole. « Il est d’évidence dans l’intérêt de l’agglomération de faire redémarrer les travaux et de réparer les préjudices de Ruths (fabricant de chaudières) pour que la société puisse subsister et achever ce marché », explique le spécialiste.
Enfonçant le clou, l’expert suggère aux élus de ne pas persister dans leur attitude pour éviter des surcoûts financiers. « Il n’y a qu’une seule non-conformité mineure », ajoute-t-il. Du côté de Rennes métropole, on ne l’entend pas du tout de cette oreille. « D’autres expertises seront rendues prochainement. Elles mettent en doute la conformité des chaudières au regard de la réglementation en vigueur. » Qui a tort ? Qui a raison ? Peu importe, ce qui est certain, c’est que cette bataille judiciaire a des conséquences financières directes pour le contribuable rennais. Depuis l’arrêt du chantier, les déchets rennais sont envoyés vers d’autres usines d’incinération ; une situation qui a entraîné une augmentation de la taxe des ordures ménagères et une facture environnementale plus lourde.
En plus des répercussions économiques, les ramifications politiques pourraient être graves pour la majorité, surtout après la triste affaire de la suspension la ligne b du métro. « Ce rapport met en lumière des fautes de gestion et des décisions hasardeuses prises par la majorité métropolitaine, sous la direction de la maire de Rennes », explique Charles Compagnon, leader de l’opposition du centre droit. « Les contribuables rennais seront les principales victimes de cette mauvaise gestion. Face à ces échecs répétés, il est temps pour la municipalité d’assumer ses responsabilités. La transparence et l’honnêteté doivent prévaloir pour restaurer la confiance des Rennais. J’appelle avec les élus de mon groupe à une reprise immédiate des travaux de l’incinérateur, conformément aux recommandations de l’expert judiciaire. Il est impératif de mettre fin à cette hémorragie financière et de garantir la sécurité ainsi que l’efficacité des infrastructures pour le bien-être de tous les habitants. »
De la transparence souhaitée
Même son de cloche chez Thomas Rousseau (Les Républicains). « Les conclusions de l’expert judiciaire mettent la lumière sur un fiasco écologique et financier pour les Rennais et sur l’incapacité de l’exécutif métropolitain à respecter des délais, des budgets et à communiquer dans la transparence. Nous demandons une finalisation du chantier au plus vite, un plan d’information clair adressé aux Rennais, et refusons toute hausse de taxe avec des économies identifiées pour tenir l’enveloppe. »
La dernière salve est pour le groupe Révéler Rennes (proche d’Emmanuel Macron). « Nous exprimons notre sidération et indignation », explique Carole Gandon, leur porte-parole. « L’arrêt des travaux a entraîné un surcoût de 2,8 millions d’euros par mois. Cela représente près de 40 millions d’euros d’argent jetés par les fenêtres. La compensation demandée aux habitants par l’augmentation de la taxe des ordures ménagères est inadmissible. La gestion financière de ce projet relève de l’incurie. »
Une commission d’enquête
« Au-delà de l’aspect financier, ajoute Carole Gandon, l’arrêt du chantier a eu des conséquences directes sur l’augmentation de la pollution. Environ 20 % des déchets sont désormais enfouis, contre seulement 3 % habituellement. Nous étions les premiers à dénoncer ce scandale lors du Conseil métropolitain de décembre dernier. Nous avons renouvelé nos inquiétudes le 24 janvier. Face à cette situation critique, nous demandons, conjointement au groupe des maires indépendants de Rennes métropole, la création d’une commission d’enquête afin que toutes les expertises soient rendues publiques. La présidente de Rennes Métropole doit maintenant assumer ses responsabilités en fournissant des explications et en garantissant une transparence totale. »
Infos + : prévus pour rouvrir en décembre 2023, les travaux ont été stoppés par la majorité en avril 2023 pour des « doutes sur la sûreté de l’équipement. »