L’une des chanteuses les plus talentueuses de sa génération, Juliette Armanet, a dit dans un média belge tout le mal qu’elle pensait du succès de Michel Sardou, Les lacs du Connemara. Elle n’aime pas cette chanson de droite, boy-scout, immonde et sectaire. Rien que cela ! Mais comment une musique inspirée du film l’Homme tranquille, peut-elle provoquer autant de haine d’une jeune femme ? Comment une mélodie appelant au prix du silence entraîne-t-elle toute la furie d’une star de demain ?
Difficile de voir dans un conflit générationnel l’explication d’une telle envolée lyrique et dramatique. Difficile d’imaginer dans cette chanson une pensée clivante. Face à la critique, la France des banlieues et populaire est nombreuse dans le Connemara, encore cet été. À l’invitation du singer « de droite », elle arpente en vans, à vélos et en camping-cars les sentiers du comté irlandais. Au rythme des souvenirs mélodieux du vieux « crooner », elle s’en va sur les chemins avec des maillots de Marseille ou du Stade rennais et des croquenots « Décathlon ».
Ces Marseillais, ces Rennais, ces Angevins, ces banlieusards sillonnent les lacs, loin du Lubéron et du Cap Ferret où l’on sirote des menthes à l’eau en chemise blanche et en espadrilles. Dans le Connemara, ils reviennent aux sources de la nature. Ils s’encanaillent dans des pubs où l’on boit des pintes à la santé de Juliette Armanet. Là-bas, ils découvrent des abbayes, des châteaux et de vieilles masures. Là-bas, ils passent des vacances sous les « nuages noirs » et sous les lumières rasantes du soir.
Dans cette contrée lointaine, des Français admirent les paysages vallonnés, caressent des moutons aux laines douces et mangent du cheddar. Ils n’en ont cure de la polémique et se déhanchent au rythme des Lacs du Connemara. « Elle a dû se tromper de cible, » s’amuse Laurence. « Être une femme jusqu’au bout des seins de Michel Sardou aurait mérité bien plus les foudres de Juliette Armanet ». Les Irlandais n’en demandaient pas tant. Ils risquent de voir déferler dans leur magnifique pays des hordes de Français (et peut-être Juliette Armanet en personne). Billet d’humeur d’un vacancier irlandais.