C’est l’un des paradoxes les plus cruels de notre société. Pris dans le tourbillon de nos vies, nous croisons les sans-abris sans un mot, sans un regard. Et puis, un jour, ils disparaissent. Et là, soudain, on s’étonne, on s’émeut, on laisse un message. Le 9 mai dernier, un homme est mort sur les marches de la basilique Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, dans l’indifférence. Il s’appelait Tom. Il avait 45 ans. Avec ses cheveux coiffés en rasta, il ne passait pas inaperçu place Sainte-Anne. Oui, il avait sans doute ses humeurs. Mais face aux messages d’amour rapportés par Le Télégramme(source), on ne peut que s’incliner devant l’homme qu’il fut. Un homme plein d’humanités. Le mercredi 14 mai, le père Nicolas Guillou a célébré une messe en sa mémoire. Une messe pas comme les autres, en présence de nombreux sans-abris. « Ce mercredi matin à 10 h, le rendez-vous a été tenu pour une célébration en la mémoire de Tom, mort dans la rue, au pied de Saint-Aubin (autre nom de l’édifice religieux). Grâce à l’équipe des “Captifs de la rue” et aux bénévoles de la basilique, cette assemblée étonnante s’est rassemblée avec ferveur. Quelques paroissiens avaient fait le déplacement. La mémoire de Tom a été honorée dans une alchimie de liturgie et de cris de la rue. Les toutous ont été bien sages. Un magnifique silence s’est fait lors de la consécration, comme si tout le monde pressentait un souffle divin à cet instant : une minute d’éternité. » L’année dernière, plus de 800 personnes sans domicile fixe sont mortes dans la rue en France. Selon le Collectif Les Morts de la Rue, 826 personnes sans chez-soi, ou ayant connu cette situation, sont décédées en 2023. C’est un record dramatique : « L’association n’en avait jamais recensé autant », souligne Libération (source). Photos : Nicolas Guillou.