On venait à peine de fermer Court Serpent de Bernard du Boucheron, Grand Prix de l’Académie française. On quittait le Grand Nord pour retrouver les chaleurs printanières de notre Bretagne natale. Mais patatras, on découvrait dans un coin de librairie Solak de la Bretonne Caroline Hinault et on retournait fissa au nord du cercle polaire arctique !
Dans un style glissant, parfois glaçant, la jeune agrégée de lettres (40 ans tout rond) emmène ses lecteurs dans le Grand froid. Elle conte l’histoire d’un gamin arrivant par les airs, agrippé au filin d’un hélico comme « un nourrisson à sa mère ». Sans retenue, elle emporte chacun d’entre nous dans une atmosphère « givrante », dans un film à suspens où le comédien Jack Nicholson se sentirait aussi à l’aise que dans Shining.
Briochine d’origine, Caroline Hinault sculpte sa langue, son monument littéraire de glace. Comme ses personnages, elle quémande l’isolement, le froid, la nuit. Elle grimpe une montagne de mots « pour gravir le plus longtemps possible le flanc du plaisir. » Mais elle y réussit car quel talent pour décrire la « ronce petit-mûrier avec ses baies rouges buboniques » ou ce gosse « monté dans l’encoquillement, une vraie huître en parka. »
On s’amourache de son style, on s’enivre en marchant avec elle sur la banquise comme lorsque l’on découpe de « grosses parts de silence ». On se prend même à penser que la « pureté n’est rien qu’une saloperie d’idée qu’il faudrait exterminer, un mirage dangereux, une flaque d’eau givrée dans laquelle les hommes aiment se contempler et croire en leur innocence possible, leur noblesse d’âme, leur propre élévation ». Il faut lire cet ouvrage pour l’écriture mais aussi pour ce huis-clos glaçant entre un scientifique idéaliste, deux militaires et un gamin muet dans une contrée lointaine appelée Solak. Solak, Caroline Hinault, éditions Rouergue Noir.
