Il y a 81 ans, les Alliés débordaient l’armée allemande. On se souvient de la joie et des acclamations lors de la libération… Mais quelques jours avant d’être rendue au peuple, la ville de Rennes était sous le feu des bombes. Histoire.
Mai 1944. Les alliés doivent désorganiser l’armée allemande. Objectif : retarder les renforts ennemis sur les zones stratégiques. Rennes est une cible clé. Son important dispositif ferroviaire est alors considéré comme une priorité dans le plan de bombardement. Le 12 mai, le Bomber command de la RAF reçoit les ordres pour créer des goulots d’étranglement par des attaques de nuit. Tout comme la capitale bretonne, Laval, Le Mans, Dol et Avranches font partie des zones clés à détruire.
Vendredi 2 juin 1944. Le maréchal Tedder désapprouve officiellement le plan de bombardement des centres ferroviaires. Il prévient que le nombre probable de victimes civiles à Rennes est trop important. Le commandant suprême des Forces expéditionnaires alliées, le général Eisenhower, balaie d’un revers de main les réticences et valide la mission. Pire, il ne veut plus entendre parler d’alternatives, jugeant que le bombardement des centres de communication français ne peut être remis en cause par souci d’éviter des pertes civiles.
Attaques aériennes autour de Rennes
Mercredi 7 juin. Au lendemain du débarquement en Normandie, la sirène annonçant les bombardements retentit à sept reprises dans le ciel de Rennes. Les B-26 du 397e groupe de bombardement ont pour ordre de larguer une pluie de feu sur la gare de triage de la capitale bretonne, afin d’interdire à la 17e division allemande de panzers de remonter vers le nord. Une mauvaise météo conduit à une mission sans réel succès. Les explosions se multiplient, sans réelle précision.
Jeudi 8 juin. Le 339e groupe de chasse américain intervient aux environs de Rennes : le soleil n’est pas encore levé que la 503e escadrille touche un dépôt de carburant à Betton et bombarde la gare de Châteaubourg. L’aérodrome de Rennes est laissé de côté, trop défendu par les allemands qui font rugir la DCA sans répit.
Dans la matinée, ordre est donné au groupe de redécoller, pour un bombardement en piqué vers Rennes. Sur leur chemin, les avions attaquent les triages de Vitré et Ploërmel. En fin d’après-midi, les dernières munitions sont utilisées pour détruire toutes cibles rencontrées sur le retour : ponts, trains et convoi automobile.
Rennes s’embrase
Nuit du jeudi au vendredi 9 juin. Après plusieurs alertes, des bombardiers en haute altitude lâchent les bombes, vers deux heures du matin, pendant près de trente minutes, sur les ateliers de la Gare, la rue Saint-Hélier, la rue Dupont des Loges, la rue Duhamel, l’avenue Janvier, le boulevard de la Liberté, la rue du Vieux-Cours, la place Saint-Germain. Les obus par centaines endommagent l’église, la rue d’Échange, la rue de Dinan et la rue Legraverend, pourtant situées à 1700 mètres des voies ferrées. « Dans la nuit, le spectacle est absolument dantesque. On a l’impression que toute l’avenue Janvier et la rue Saint-Hélier sont en flammes, comme toutes les maisons encadrant l’église Saint-Germain« , se souvient René Patay dans ses Mémoires d’un Français moyen.
Dans les rapports officiels, l’aviation alliées se félicite de la réussite de la mission. Cependant, si la gare de triage était visée, les dommages collatéraux sont trop importants pour la population civile. A Rennes au lendemain des attaques, on parle de « raids terroristes de l’aviation anglo-américaine sur la population de Rennes ». Les alliés se défendent en expliquant que la fumée dégagée au sol par la première ligne de bombardiers, couplée à une météo médiocre, ont gêné la précision des avions suivants.
Et comment : 800 mètres séparent la gare et le dernier bâtiment détruit.
Les forteresses volantes poursuivent les bombardements
Lundi 12 juin, 6h30 du matin. Un B-24Liberator lâche quatre bombes de 1000 kilos chacune sur un pont de chemin de fer, à 6000 mètres d’altitude.
13 heures. Alors qu’à Rennes a lieu la cérémonie des obsèques des victimes du 9 juin, deux B-17 et B-24 Liberators (surnommés « Forteresses volantes ») des 8e et 9e USAF sont sur Pontchaillou et le couvent de l’Adoration. Les allemands envoient trois Messerschmitt, qui ne feront pas le poids : ils seront abattus au-dessus de Romillé, du Rheu et de Redon. L’aérodrome reçoit aussi des bombes américaines en vue de maintenir les pistes hors d’usage.
La ville, sous occupation allemande depuis le 18 juin 1940, devra attendre le 4 aout 1944 pour être libérée par l’action conjointe des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et de l’armée américaine.