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mercredi 18 septembre 2024
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LES MAISONS DES ILLUSTRES RENNAIS

À Paris, les visiteurs découvrent les demeures de personnages illustres au fil de leurs promenades. À Rennes, ils seront tout autant passionnés par leurs trouvailles. Tour d’horizon des maisons de nos illustres ancêtres.

La maison Guillemot. Fondateur des Nouvelles Galeries de Rennes, de Saint-Brieuc, de Saint-Malo et de Dinard, Alfred Guillemot (1861-1909) avait entrepris, une fois sa fortune acquise, de construire une bâtisse caractéristique du goût de la bourgeoisie de son époque. Édifié en 1902, l’impressionnant hôtel a été bâti le long de l’avenue du Général-Leclerc où les belles demeures étaient nombreuses et le signe d’une certaine réussite. Depuis, malheureusement, beaucoup ont été détruites pour laisser place à des immeubles sans âme.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, son château est réquisitionné par les Allemands, qui occupent les lieux jusqu’à la Libération. Il est ensuite vendu à l’État en 1947. Un collège d’enseignement technique s’y installera, puis le centre de formation du Greta jusqu’en 2005. Le 28 juillet de la même année, la Folie Guillemot est vendue aux enchères. La Folie Guillemot a été t restaurée par un promoteur parisien, après avoir été laissée à l’abandon de nombreuses années (treize ans au total).

L’appart de la bolchevique aux bijoux. À Rennes, on peut trouver quelques plaques rendant hommage à d’illustres personnages locaux, comme Simone Morand, protectrice de la musique gallèsee. Au 6 rue Lafayette, une petite plaque est apposée sur la façade d’un immeuble en l’honneur de Louise Bodin, journaliste et militante politique, née à Paris en 1877 et morte à Rennes en 1929. Elle lutta pour la dignité des femmes et vécut une grande partie de son existence dans la capitale bretonne.

Engagée, Louise Bodin, née Berthaut, s’installe à Rennes en 1898 en compagnie de son jeune époux, médecin devenu plus tard professeur à l’école de médecine de Rennes en tant que spécialiste de la syphilis. Bien que détestant Rennes, elle n’en demeure pas moins active : elle crée l’antenne locale de l’Union française pour le suffrage des femmes et écrit un livre, Les Petites Provinciales. Durant la guerre, Louise Bodin fonde avec Colette Reynaud La Voix des femmes en 1917, puis publie par la suite Le Journal des femmes communistes. Pacifiste, cette mère de trois enfants est aussi militante et secrétaire de la Fédération communiste d’Ille-et-Vilaine. Malade, Louise Bodin meurt jeune, à seulement 50 ans. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elle écrivit un ouvrage sur la syphilis, paru à Paris en 1919 au sein de la Société mutuelle d’édition.

L’hôtel particulier de la Varende. Jean de La Varende est un écrivain aujourd’hui oublié, probablement à cause de ses engagements politiques pour le moins singuliers : l’homme était pétainiste et royaliste. Comme Paul Féval, lui aussi royaliste, il ne fait l’objet d’aucun culte à Rennes, à l’exception d’une petite plaque commémorative au 1 rue du Contour-de-la-Motte,.

Né en Normandie, à Chamblac dans l’Eure pour être précis, Jean de La Varende perd son père très jeune. Devenue veuve, sa mère retourne à Rennes avec son fils pour habiter chez son père, le contre-amiral Camille Fleuriot de Langle (descendant d’un compagnon de route de La Pérouse pendant l’exploration du Pacifique). Il passe une enfance heureuse de 1899 à 1905 dans un hôtel particulier familial situé non loin du Thabor et de l’abbaye Saint-Georges qu’il aimait tant. Malgré cet attachement, Jean de La Varende n’évoqua que très peu sa ville d’enfance dans ses ouvrages. Il fit uniquement référence à la cathédrale de Rennes dans un roman intitulé Roi d’Écosse en 1941, et dans quelques articles publiés ici ou là dans des revues conservatrices. Il préférait écrire sur sa chère campagne normande, dont il décrit la vie, les mœurs et les habitants — aussi bien les paysans que la petite noblesse.

De son vrai nom Jean Balthazar Marie Mallard de La Varende Agis de Saint-Denis, baron Agis de Saint-Denis, l’écrivain fut membre de l’Académie Goncourt de 1942 à 1944 en remplacement de Léon Daudet. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres, dont Nez de Cuir, gentilhomme d’Amour, qui raconte la vie d’un jeune gentilhomme normand obligé de porter un masque à la suite d’une blessure de guerre. A voir au contour de la Motte. 

Maison Odorico. Elle s’appelait Amandine Sevestre. Décédée le 22 décembre 2018 à l’âge de 90 ans, elle habitait la maison dite Odorico, rue Joseph-Sauveur, à deux pas de l’avenue Jean-Janvier et du lycée Émile-Zola. D’un naturel bienveillant, la brave dame ouvrait régulièrement sa porte à ceux qui savaient montrer de l’intérêt pour le célèbre mosaïste rennais d’origine italienne, Isidore Odorico. Elle faisait également preuve d’une grande gentillesse à l’égard des nombreux journalistes et historiens, toujours intéressés par la découverte et la protection d’un tel lieu.

La nonagénaire a acheté la demeure « vitrine » dans les années 80, bien avant que le patrimoine de France fasse l’objet d’un regain d’intérêt. En « gardienne du temple », Amandine Sevestre aimait raconter à ses nombreux visiteurs l’histoire de sa maison, construite de 1939 à 1940 sur les plans de l’architecte Yves Lemoine et décorée par Odorico.

Grâce à elle, la façade du 7 rue Joseph-Sauveur a pu être intégralement conservée, mais ce n’est pas tout. Pendant ses 40 ans de vie dans la maison, Amandine Sevestre a tout fait pour garder en l’état l’intérieur de cette demeure si particulière. Depuis son achat, elle avait assurément pris conscience de ce qu’elle possédait, restaurant elle-même quelques mosaïques selon les conseils avisés de la spécialiste Caroline Bernard. À l’étage, la magnifique salle de bain est l’œuvre du mosaïste Galiano Serafini. Luxueuse malgré sa petite taille, elle abrite une baignoire adossée à un mur recouvert d’or où le mosaïste italien a souhaité représenter des poissons nageant au milieu d’algues et de coraux.

Classée au patrimoine d’intérêt local de la ville de Rennes, la demeure fut le premier siège de l’entreprise familiale de mosaïque des Odorico. Rachetée par le bistrotier rennais Jean-Louis Serre, elle est devenue une magnifique crêperie.

La maison d’un week-end à Zuydcoote. 

Rue de Primauguet, à deux pas du centre hospitalier spécialisé de Rennes, quatre petites maisons avec des jardinets ont été construites dans les années 40. Édifiées par l’entrepreneur Médard sur des plans des architectes Derrouch et Rual, elles sont séparées par des clôtures et ont pour originalité d’être recouvertes par un toit d’un seul tenant. Ces habitations comprennent aujourd’hui chacune un garage — à l’époque, la voiture était encore un bien de consommation très prisé.

L’écrivain Robert Merle a vécu quelques années avec quatre de ses enfants au numéro 10. Il reçut le prix Goncourt en 1949 pour Week-end à Zuydcoote, ouvrage adapté au cinéma par Henri Verneuil en 1964, dont le personnage principal est joué par Jean-Paul Belmondo. Robert Merle fut nommé, à la sortie de la guerre, maître de conférences à l’université de Rennes 2 avant de devenir professeur d’anglais en 1949. La légende dit qu’il aurait corrigé les dernières épreuves de son plus célèbre texte dans la capitale bretonne, où il demeura jusqu’en 1957, date à laquelle il rejoignit l’université de Toulouse.

Auteur malheureusement plutôt méconnu aujourd’hui, Robert Merle fut l’un des écrivains les plus doués de sa génération. On lui doit la très populaire saga historique Fortune de France ainsi que La mort est mon métier, un récit qui inspira, dit-on, Jonathan Littell, auteur des Bienveillantes. On doit enfin au romancier, proche des communistes, Malevil, un roman qui fut adapté au cinéma avec Michel Serrault.

La demeure de l’historien breton. Rue Saint-Louis, une petite plaque est apposée dans la modeste cour d’un immeuble. Elle est érigée en mémoire d’un historien de la Bretagne doté d’un nom un peu pompeux : Arthur Le Moyne de La Borderie. Né en 1827 à Vitré — ville de Bertrand d’Argentré (auteur d’une histoire de la Bretagne dans les années 1850), l’érudit est un historien breton et un archiviste de renom.

Après des études de droit à Rennes, le jeune Arthur sort major de sa promotion à l’École des chartes en 1852. Après quelques années aux archives de Nantes, il devient conseiller général d’Ille-et-Vilaine entre 1864 et 1871, et même député monarchiste entre 1871 et 1876. Mais convenons-en, l’homme est surtout connu comme un passionné de l’histoire de la Bretagne. Homme de son temps, Arthur Le Moyne de La Borderie fut président de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine et créa en 1857 la Revue de Bretagne et de Vendée.

Profondément catholique, le jeune homme cherche dans le christianisme breton les sources de ses ouvrages. Outre de nombreux articles et livres, il publie en 1888 un texte intitulé Du rôle historique des saints de Bretagne dans l’établissement de la nation bretonne armoricaine. Mais De La Borderie est surtout connu pour son Histoire de la Bretagne en six volumes, qui débute en 57 av. J.-C. Malheureusement, son œuvre ne va pas plus loin que le XVe siècle, puisque sa mort en 1901 en interrompt brutalement la rédaction.

Le Ty Anna. Le Ty Anna est l’un des troquets les plus connus de la place de Rennes, car il est réputé pour servir les cafés les moins chers de la ville. Mais peu savent que le maire de Rennes Jean Leperdit a vécu dans cette maison et qu’il y est même mort le 3 août 1823, comme le signale une plaque commémorative apposée sur le bâtiment. Ayant conservé son activité de maître tailleur, son échoppe se trouvait au rez-de-chaussée.

Né à Noyal-Pontivy en 1752, le jeune Leperdit arrive à Rennes dans les années 1780 et installe son commerce de maître tailleur dans la rue d’Échange. Élu officier municipal en 1792, il tient tête à Jean-Baptiste Carrier, acteur majeur de la Révolution, mais surtout de la Terreur et connu pour avoir ordonné le massacre de Nantes entre 1793 et 1794. En s’opposant à lui, Leperdit sauva de la guillotine quelques administrés rennais suspectés d’actes répréhensibles contre le mouvement révolutionnaire. Le 21 février 1794, il fut nommé maire en lieu et place d’un certain Elias, aujourd’hui oublié. Il quitta ses fonctions en octobre 1795. Leperdit perdit la vie dans un incendie qu’il tentait d’éteindre.

Jean Leperdit est sans doute l’un des élus rennais les plus célèbres : on lui a dédié une rue et il est inhumé dans l’une des plus belles tombes du cimetière du Nord. Il fut même peint par Thérèse de Champ Renaud — également connue sous son nom marital Thérèse Moreau de Tours — dans le tableau Le Maire de Rennes, aujourd’hui propriété du Musée de Bretagne.

La maison Leray. Au numéro 11 de la rue de Viarmes, s’élève une demeure à l’allure singulière. C’était celle de l’homme qui, de 1895 à 1932, veilla à l’embellissement de la ville Emmanuel Leray, de son nom, laissa sa marque indélébile sur Rennes. C’est à lui que l’on doit la piscine Saint-Georges, la salle de la Cité, le lycée Robidou, et la halle centrale du boulevard de la Liberté. Mais c’est sa propre maison, construite en 1902, qui révèle, comme un secret bien gardé, l’âme artistique de cet homme.

Leray, conscient des courants qui animaient son époque, érigea sa demeure sous le signe de l’Art nouveau, style alors en pleine effervescence. Là, il montra son habileté à jouer avec les matériaux, à marier les genres, comme un poète tisse des vers. Il y associa le granit local, rude et solide, à la pierre calcaire, plus douce et lumineuse. Mais par-dessus tout, il affectionnait la brique peinte, qui venait couronner cette symphonie architecturale d’une touche de couleur et de vie. Sa maison est un manifeste, un témoignage vibrant de la modernité de son époque et de la créativité sans bornes de son créateur.

Le Château du maire. Au 128 de l’avenue Sergent-Maginot se dresse une maison qui, à première vue, ne laisse rien deviner de l’importance de celui qui l’habita. François Château, entrepreneur avisé, construisit cette demeure, modeste en apparence, avant de devenir maire de Rennes, de 1935 à 1944. Ce n’est pas tant l’extérieur de la maison, avec ses tuiles rouges sur le toit, qui retient l’attention, mais bien ses entrailles, cachées aux regards indiscrets. Là, dans l’intimité des murs, le talent de l’artiste mosaïste Odorico et du peintre breton Louis Garin s’exprime avec éclat. Le jardin, quant à lui, porte la marque des temps troublés. François Château, en homme prévoyant, y fit bâtir un abri durant la guerre, ajoutant à sa demeure une note de gravité. Voir un précédent article. 

Crédit : DR. 

La maison Novello. À l’angle de la rue Coulabin et de l’avenue du Mail, s’élève une maison dont la silhouette cubique intrigue et fascine. C’est là que Rodolphe Novello, entrepreneur en ciment, mosaïque et béton armé, choisit de s’établir en 1925. Mais cette demeure n’est pas seulement un lieu de vie, elle est une véritable carte de visite, une démonstration des compétences et du savoir-faire de son propriétaire.

Le bâtiment, d’un étage sur rez-de-chaussée surélevé, s’impose par sa structure en béton armé, remplie de brique creuse et enduite de ciment. D’apparence moderne, presque avant-gardiste, il est surmonté d’un toit-terrasse, souligné par une corniche débordante. Les murs, d’une teinte délicate « coquille d’œuf », sont rehaussés par des panneaux moulurés qui accompagnent la verticalité des fenêtres étroites. Ces dernières, ornées de cadres en fibrociment entourés de céramique bleue, confèrent à la façade une élégance subtile.

À l’intérieur, les espaces sont décorés avec soin, les mosaïques y tenant une place de choix. La cage d’escalier, par exemple, se pare de motifs géométriques colorés, tandis que la salle de bains est agrémentée de panneaux représentant des vagues, évoquant un calme apaisant. Chaque détail, chaque ornement témoigne de la maîtrise de Novello dans son art, renforcée par la contribution du jeune architecte Yves Le Moine, employé dans l’entreprise.

En 1929, la maison s’agrandit avec l’ajout d’un bureau en rez-de-chaussée, suivi, en 1935, d’une chambre supplémentaire. L’ensemble est entouré d’une clôture en ciment, ajourée de motifs géométriques et enduite des mêmes couleurs que la maison, comme pour mieux marquer l’unité et l’harmonie de cette œuvre architecturale unique.

jean-christophe collet
jean-christophe collet
Lancé par le journaliste Jean-Christophe Collet en 2012/2013, www.rennes-infos-autrement.fr devient un site d’informations en 2015 et est reconnu comme site d’informations en ligne par le ministère de la Culture et de la communication.

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