Serge Le Pourri le confesse, il est un lecteur exigeant. Et, pour lui, il est des choses qui confinent au rédhibitoire. Faire parler les personnages de son bouquin, des flics des années 1970, comme des crétins d’aujourd’hui, ça, c’est rédhibitoire. Un peu comme si tu décrivais une réunion d’état-major de la Wehrmacht et que tu faisais jacter Hitler et ses généraux comme Yannick Jadot. Un puissant tue-l’amour qui te coupe tes effets, à toi, lecteur, qui, embarqué dans le Paris des années Giscard — c’est ce qu’on t’a vendu — te retrouve au détour d’un « c’est une dinguerie » ou d’un « informé en temps réel » extirpé du bouquin et renvoyé brutalement dans ton époque de merde. Il ne manque qu’un « du coup, commissaire » ou un « à date, monsieur le ministre » pour toucher le fond.
Erreur de débutant, que n’est pourtant pas le journaliste Éric Decouty. Celui-ci a déjà publié au moins deux autres romans noirs chez le même éditeur, Liana Levi. Éditeur qui n’a d’ailleurs pas fait son boulot pour laisser passer de telles bourdes. Ou a rectifié, mais en a oublié une partie, car elles étaient trop nombreuses. Va savoir.
Le livre, donc, se fonde sur des faits historiques, en premier lieu l’assassinat en mai 1976 de l’ambassadeur de Bolivie en France Joaquín Zenteno Anaya, revendiqué par un groupe gauchiste, mais jamais élucidé, ce qui permet à l’auteur d’inventer pour expliquer cet attentat un complot de types de la droite très dure employant pour leurs basses œuvres des types encore plus à droite qu’eux. Le complot d’extrême droite, un grand classique du roman noir à la française !
Le livre n’est tout de même pas aussi mauvais qu’un film d’Yves Boisset, mais ne casse rien, il faut bien le dire. Le personnage principal, Martin Kowal, un inspecteur des RG qui passe ses nuits à se défoncer avec toutes les substances prohibées possibles, manque d’épaisseur, pour ne pas dire de crédibilité. L’enquête policière est poussive, sans tension, sans rebondissements véritables et le livre est singulièrement dépourvu d’action. Serge Le Pourri ne cache pas qu’il aime bien quand ça bouge un peu, quand même. Pour ne rien arranger, l’auteur est de toute évidence limité sur le plan littéraire. Bref, Serge Le Pourri ne saurait vous en conseiller l’achat.
L’Affaire Martin Kowal, Liana Levi, 334 pages, 20 euros