Au cimetière nord (le Père-Lachaise rennais), les chapelles funéraires sont encore nombreuses. Il y a celles des Bourges et de grandes familles de la capitale bretonne. Certaines, abandonnées, sont transformées pour accueillir des urnes. D’autres sont restaurées à grands frais par les héritiers vivants. Mais l’une d’elles menace ruine. Appartenant au clan Novello, elle est encerclée par des cordons de sécurité. « Quel dommage », explique un promeneur. « Ce monument possède de belles mosaïques, comme l’édifice funéraire Odorico. Ce serait bien qu’elle soit rénovée ! C’est une partie de notre patrimoine tout de même. » D’après nos informations sur les lieux, la réhabilitation ne serait pas encore à l’ordre du jour.
C’est chez Joachim Novello en 1881 que les Odorico se sont formés à Tours.
Novello est une famille loin d’être méconnue dans la capitale bretonne. D’origine italienne, elle a joué un rôle important dans le développement de la mosaïque et du béton décoratif en France, notamment à Rennes, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Leur travail a laissé une empreinte durable dans le paysage architectural rennais, témoignant de l’influence des artisans italiens dans la région. « En 1885, Antoine est le premier Novello à s’implanter dans la capitale bretonne », expliquent Philippe Bohuon et Benjamin Sabatier dans Place publique. « Fils d’Isidore, un agriculteur du Piémont, il était arrivé à Tours chez Joachim Novello, trois ans auparavant, pour être formé au métier de cimentier. À Rennes, il travaille comme sous-traitant pour l’entreprise de maçonnerie Badault et représentant pour Joachim. En 1888, Antoine épouse à Postua Margueritte Prette, qui donne naissance deux ans plus tard à Rodolphe (1890-1957), le premier Novello à voir le jour à Rennes.»
Margueritte, la veuve d’Antoine, ainsi que Rodolphe et sa femme, reposent au cimetière du Nord à Rennes.
À cette époque, l’activité principale des Novello de Rennes est le ciment et le béton armé. « Ils font également de la mosaïque, comme le sol de l’église de Retiers en 1895. Ils participent à des concours régionaux, en 1887 et en 18 97 où ils remportent de nombreux prix. (…) La maison que Rodolphe Novello érige en 1925 au 54, mail François-Mitterrand dévoile la bonne santé de l’entreprise qui emploie alors une centaine de personnes. »
En 1927, les Novello sont appelés par L’Ouest-Eclair pour bâtir les Papeteries de Bretagne le long de la Vilaine, à l’ouest de la ville. « Dans les années 1930, la société poursuit ses travaux pour les industriels (tanneurs) à Rennes et dans sa région par la construction de locaux, de cuves, de pylônes et de réservoirs en béton armé. En parallèle, elle se lance dans la conception de plus d’une vingtaine d’immeubles de rapport dans le style Art déco. Ils édifient ainsi le bel édifice Anquetil (81 rue Jean Guéhenno), l’imposante construction de la place Saint-Jean-Eudes (Jean Maréchal, ingénieur) ou encore les immeubles de la rive ouest de l’avenue Louis Barthou (Armand Frigault, architecte). »
En 1952, Rodolphe Novello confie la gestion de sa société à ses deux fils, René et Robert. « Le premier accomplit sa formation dans l’entreprise familiale, tandis que le second fait ses études d’ingénieurs à l’École des Travaux publics et œuvre un temps dans l’atelier Perret, le reconstructeur du Havre. » Puis, avant de revenir à Rennes, Robert part six mois aux États-Unis où il étudie les techniques développées par les Américains afin d’améliorer leur industrie.
Au début des années 1960, l’entreprise emploie alors jusqu’à 300 personnes. Elle s’engage dans l’aventure des grands ensembles rennais avec la réalisation de l’Emeraude à Bourg l’Évêque ou encore les immeubles du Colombier rue Tronjolly (Louis Arretche et Jean-Gérard Carré, architectes). « Les Novello sont contraints de cesser leur activité en 1982, après un siècle de présence à Rennes. »
A la lecture de l’article, la famille Novello a tenu à réagir par la voix de la petite-fille, René. «Ma famille est très attachée à cette chapelle, où sont enterrés nos proches, dont notre mère décédée en novembre 2023. Non, la chapelle n’est pas à l’abandon ! Je vous informe que mon frère a signé un devis pour restaurer l’édifice, il y a six mois. Nous sommes dans l’attente de l’intervention de l’entreprise. Nous sommes les premiers à regretter qu’elle tarde autant. Mais sous serons très heureux, une fois la restauration effectuée, de retrouver cette magnifique chapelle.»
