« Non contents d’avoir rattrapé la violence des autres villes françaises, nous en avons dépassé beaucoup », a expliqué Charles Compagnon, porte-parole de l’opposition centre-droit (Libre d’agir pour Rennes). « Nous avons désormais à Rennes un record national : nous avons la plus longue fusillade de France à l’arme lourde, avec une heure de tirs sans interruption au Blosne (dans la nuit du 9 au 10 mars 2024). Il ne se passe pas un mois, sans que des Rennaises et des Rennais ne nous rapportent avoir entendu des coups de feu dans leur quartier. On est très loin de la ville apaisée qu’on essaie de nous vendre dans certains médias. Les habitants et les habitantes (plus particulièrement) ne comptent plus sur vous pour assurer leur sécurité du quotidien. Mais ils ont trouvé le moyen de se protéger en pratiquant la stratégie de l’évitement. C’est-à-dire éviter de traverser telle ou telle place ou de passer par telle ou telle rue à certaines heures de la journée et de la nuit. »
La situation est très grave. » Carole Gandon.
Même sentiment chez Carole Gandon (Révéler Rennes). « Je ne suis pas passionnée des questions de délinquance ou de sécurité. Il y a bien d’autres politiques locales qui m’intéressent et m’enthousiasment. Et pourtant, inlassablement, régulièrement, je viens interpeller la maire, comme le font mes collègues de l’opposition, sur le sujet de la sûreté à Rennes. Nous ne le faisons pas de gaîté de cœur, nous le faisons parce que c’est notre responsabilité. Parce que c’est un point qui nous concerne tous. Et parce que la situation est grave. Très grave. »
Comme Charles Compagnon, Carole Gandon tire la sonnette d’alarme. « Notre ville a récemment fait les gros titres de la presse nationale, à l’occasion de l’incroyable fusillade à la kalachnikov du 10 mars dernier, terrorisant tout un quartier. Cet événement certes inédit par sa gravité n’est malheureusement pas isolé. Cela fait des années que nous vous alertons sur ces sujets. Depuis 2020, nous le concédons, la municipalité a pris des mesures, que nous avons saluées quand elles allaient dans le bon sens. Hélas, les avancées que vous avez concédées, madame la maire, ne suffisent pas. »
L’effectif de la police municipale reste excessivement bas par rapport aux autres agglomérations de taille équivalente, Lille, Montpellier, Saint-Étienne ou même Bordeaux. » Carole Gandon.
Pour Carole Gandon, pas de doute, les 40 agents supplémentaires, les rondes nocturnes, les nouvelles caméras et la création de la brigade anti-incivilité… ne suffiront pas. « À situation exceptionnelle, il est nécessaire de disposer de mesures exceptionnelles. Nous vous demandons l’enrôlement d’au moins 20 policiers municipaux d’ici la fin du mandat. Nous souhaitons le renforcement du dispositif de vidéoprotection, mais aussi la formation des agents au port d’armes létales. Nous sollicitons enfin le déploiement de postes de police municipale de proximité, au cœur des quartiers. La maire est la candidate à sa réélection. Elle doit avoir le courage d’entendre et d’agir. Ce n’est pas seulement nous qui demandons de faire plus, mais les Rennaises et les Rennais et notamment celles et ceux qui habitent le Blosne. La sécurité est le premier de leurs droits. »
Devant le flot des critiques, la majorité n’a pas fait la sourde oreille. Bien au contraire, elle avait même pressenti « l’attaque » au regard des expressions « bien préparées » politiques de nombreux élus au début du conseil municipal (Valérie Faucheux, Cyrille Morel et Consorts). Mais entre prévention et répression, elle a fait son choix depuis maintenant quelques années, comme l’a exprimé longuement, l’adjointe Béatrice Hakni-Robin. « La nuit du 10 mars, restera marquante pour les Rennais, pour les habitants du Blosne et plus particulièrement pour celles et ceux situés en première ligne autour de la place Jean Normand,» reconnait-elle. «Pendant une heure, les riverains se sont trouvés dans le feu d’un règlement de comptes entre trafiquants. Ce fut un événement exceptionnel, un événement que nul ne pouvait imaginer. Un événement qui, nous l’espérons, ne se reproduira pas, car aucun enfant, aucun Rennais ne doivent être exposés à cette insupportable violence », explique l’élue.
À l’inverse de l’opposition, Béatrice Hakni-Robin croit fermement à la politique de la ville. « À Rennes, nous avons agi avec le recrutement de 40 policiers municipaux sur le mandat, avec le réseau de caméras, avec le travail mené en lien étroit avec les forces de l’ordre, le procureur et le préfet. » À la différence de l’opposition, la majorité croit à la prévention contre « l’entrée dans les trafics par des mesures éducatives en cours d’expérimentation ou par la recherche d’une meilleure prise en charge sanitaire des toxicomanes. »
Face à la délinquance, la ville renvoie la responsabilité vers l’État. « La lutte contre les stupéfiants est une compétence régalienne. Pour faire face à ces réseaux criminels, il nous faut des équipages de policiers nationaux formés, équipés et en nombre suffisant pour intervenir avec efficacité et protéger au quotidien les habitants. Il nous faut une justice bien dotée pour mener des investigations qui portent leurs fruits pour stopper les têtes des trafics. Il nous faut des services hospitaliers confortés pour prendre en charge les consommateurs, brisés parfois par la toxicomanie. »
Ne pas stigmatiser un quartier
Mais encore une fois, la ville ne veut pas stigmatiser un quartier. « Le Blosne ne saurait se réduire à cet événement tragique. Le Blosne est vivant, fraternel, dynamique, jeune, riche de sa diversité. Il est un secteur où la municipalité intervient avec conviction et ambition, où nous n’avons cessé et où nous ne cessons depuis maintenant plus de quinze ans d’y déployer une action publique municipale en profondeur. Cette action ne fait pas d’esbroufe, pas de bruit, pas de tapage médiatique. Elle est discrète, mais bien réelle. »
Dans le quartier, la ville met en avant la rénovation de 1500 logements sociaux, la construction de 1500 résidences en accession libre, le conservatoire de musique, le Polyblosne, l’installation de la société Angevine… Demain, elle bâtira un pôle d’habitat pour les seniors, le centre de santé pluridisciplinaire du Blosne, le centre médicopsychologique et un lieu d’accueil pour enfants autistes. « Grâce l’action de la maire et à celle de toute l’équipe municipale, grâce à nos choix collectifs, nous maintenons le cap pour le Blosne. Le quartier poursuit son renouveau. L’événement dramatique du 10 mars ne ralentira pas nos volontés. Il n’entame en rien notre détermination pour transformer le quartier du Blosne et le faire rayonner. Il le mérite. » La ville veut positiver. Mais jusqu’à quand pourra-t-elle tenir un tel discours ? Entre prévention et répression, les choix sont visiblement difficiles.
Infos + : le marché du Blosne a repris avec succès sa place historique au cœur du quartier. «Je vous invite à y faire un tour le samedi matin. On y trouve l’esprit de village qui fait l’identité de nos terroirs, mais aussi de nos faubourgs populaires», ajoute Béatrice Béatrice Hakni-Robin.
Infos ++ : En téléphonant à la rédaction de Rennes infos autrement, le journaliste de la chaîne publique a l’air tout surpris de « l’attitude » des associations travaillant dans le Blosne. « Ils ont visiblement ordre de ne rien dire. Ils ont peur de perdre leurs subsides, en cas de discours alarmistes sur la situation du Blosne. » On vous l’affirme : tout le monde marche sur des œufs.