Dans une décision du 17 octobre, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société Ruths. Laquelle tentait de suspendre l’exécution d’un marché de substitution lancé par Rennes Métropole pour la reprise des travaux sur les chaudières de l’usine de valorisation énergétique (UVE) de Villejean. Ce jugement est un nouvel épisode d’un litige qui oppose la collectivité à l’entreprise italienne depuis plusieurs mois.
Le conflit trouve son origine dans un marché public attribué en 2019 à Ruths SpA pour la restructuration de l’UVE de Villejean. Cet outil est essentiel pour le traitement des déchets et la production d’énergie dans la métropole rennaise. La société devait notamment concevoir et installer deux chaudières. Mais en 2022, un rapport technique émis par l’APAVE remettait en cause ces installations au regard des normes européennes, en particulier la directive 2014/68/UE relative aux équipements sous pression. Face à ces conclusions, Rennes Métropole a suspendu les travaux en mars 2023.
Pour conforter sa position, la collectivité mandatait une nouvelle expertise auprès de Bureau Veritas, dont les résultats, rendus en mai 2024, ont confirmé la présence de nombreuses non-conformités (et ce en contradiction avec l’avis d’un expert judiciaire rendu plus tôt). Face à cette situation, Rennes Métropole a décidé de lancer un marché de substitution pour la reprise des équipements, attribué en juillet 2024, à la société Est Industrie Sentis. Mécontente, Ruths SpA, estimant ses chaudières conformes, a saisi la justice pour faire suspendre ce marché.
Dans sa décision prise en urgence, le tribunal administratif n’a pas retenu les arguments avancés par les Italiens. Ruths SpA affirmait que l’arrêt des travaux lui avait causé des frais imprévus s’élevant à près de 8 millions d’euros, notamment pour la démobilisation de son personnel et la mise en conservation des équipements déjà installés. L’entreprise soulignait également que sa réputation était en jeu, craignant que cette affaire ne ternisse son image. Enfin, elle redoutait que les chantiers de substitution prévus par la collectivité conduisent à la destruction de ses installations.
Le juge des référés a estimé que Ruths SpA n’avait pas fourni suffisamment d’éléments concrets pour justifier ses prétentions. L’entreprise n’a présenté aucun « document probant » permettant d’évaluer l’impact réel des frais qu’elle avance sur sa situation économique globale. « Aucune donnée sur son chiffre d’affaires ou sur sa viabilité à long terme ne nous a été soumise », ajoute le tribunal. De même, l’argument selon lequel l’arrêt du marché pourrait affecter sa réputation n’a pas été considéré comme convaincant. Le juge a noté que Ruths SpA n’avait pas établi en quoi cette affaire risquait de nuire à ses futures opportunités économiques.
Sur le plan technique, la société italienne a également échoué à démontrer que les équipements installés seraient détruits de manière injustifiée. « Elle conserve un droit de regard sur les travaux à venir et reste responsable de la validation technique finale des chaudières, en coordination avec un organisme de certification indépendant », a fait valoir le magistrat. Au-delà des arguments de l’entreprise italienne, le juge a mis en avant les intérêts publics en jeu. L’UVE est à l’arrêt depuis avril 2022, obligeant Rennes Métropole à rediriger les 140 000 tonnes de déchets annuelles vers d’autres centres de traitement (un coût supplémentaire estimé à 2,4 millions d’euros par mois). Cette situation pèse lourdement sur les finances et a déjà conduit à une hausse de la taxe sur les ordures ménagères pour les habitants de la métropole. En outre, l’usine ne peut fonctionner qu’en recourant désormais à des énergies fossiles, ce qui grève l’empreinte carbone de la ville.
Face à ces conséquences économiques et environnementales, le tribunal a jugé qu’il était essentiel que les travaux de mise en conformité se poursuivent sans délai. La reprise rapide de l’activité de l’UVE est donc cruciale pour limiter les coûts et rétablir le réseau de chauffage urbain de manière durable. Le magistrat a ainsi opté pour ne pas suspendre le marché de substitution. Ce jugement constitue un revers pour Ruths SpA, qui espérait bloquer l’exécution de la décision de Rennes métropole. Toutefois, l’affaire n’est pas encore totalement close. Le tribunal doit se prononcer sur le fond dans les mois à venir.