L’ANPIHM (Association nationale pour l’Intégration des personnes handicapées moteurs) accueille des adultes en situation de handicap physique sévère (sclérose en plaques…). En France, elle héberge des adultes dans des foyers de vie, de petite taille. Depuis le 30 décembre 2016, son établissement breton est autorisé à exploiter quatorze places (principalement des hébergements permanents), dans deux antennes, à Rennes (6) et à la Chapelle-des-Fougeretz (7). « C’est un public vulnérable, mais extraordinaire humainement », assure un ancien aidant.
J’étais loin de mesurer l’ampleur de la situation quant à l’accompagnement des personnes quand je suis arrivé en poste », convient un ex-salarié.
Mais que se passe-t-il dans ces deux structures ? Joignant notre rédaction, un ancien employé déplore un environnement « préoccupant ». Il évoque de la « maltraitance psychologique » de la part de six professionnels et une cheffe de service. « Dès ma venue, j’ai signalé les faits au conseil d’administration de l’ANPIHM, en leur communiquant des enregistrements, des mails et des notes », explique-t-il. « Mais tout est couvert par l’association. Leur politique est d’éviter les esclandres. Nous sommes dans un mode d’organisation particulier », résume-t-il. Devant ce constat, il a alerté le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, chef de file de la protection de l’enfance et du handicap.
Après une inspection des services départementaux en mars, un administrateur provisoire (en l’occurrence le directeur général de l’ADAPEI 35 (1), Matthieu Thiebault) a été nommé le 22 juin 2023. « Nous avons relevé l’existence de dysfonctionnements majeurs dans l’organisation et le fonctionnement de l’établissement », a indiqué le président du département, Jean-Luc Chenut au responsable national de l’ANPIHM. « Ces problèmes affectent la prise en charge et l’accompagnement des personnes accueillies. Depuis l’audit, la situation s’est dégradée dans la mesure où plusieurs signalements ont été transmis à la commission départementale en charge du dossier. »
Maltraitance ou non ?
Le conseil départemental n’a pas hésité une seconde. Mais dans son arrêté de placement sous tutelle, il met en avant le « climat délétère », les dysfonctionnements sur la prise en charge des résidents dépendants et les arrêts de travail notamment de la directrice. « Cette mesure doit permettre d’identifier des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par l’établissement et de pérenniser son fonctionnement. Elle doit lever les écarts et remarques constatés lors du rapport d’inspection. Le conseil d’administration de l’Anpihm ne pourra pas interférer dans les objectifs de l’administrateur provisoire ni entraver sa finalité », explique l’arrêté. « La mission sera conduite, avec l’appui du Conseil départemental, dans un dialogue constructif. Nous désirons garantir les conditions d’un retour rapide à une gouvernance efficace. »
Après plusieurs informations dites préoccupantes, la procédure d’inspection est aujourd’hui en cours. « Il faut avoir à l’esprit qu’il y a eu de nombreux dysfonctionnements graves. Ceux-ci ont eu des répercussions importantes sur la qualité et la continuité des accompagnements des personnes accueillies », expliquent dans un communiqué commun le directeur général de l’ADAPEI et Véronique Colin, directrice de l’autonomie au département d’Ille-et-Vilaine.
Cette décision n’est pas sans raison. « En France, une autorité administrative portée par un département peut prendre toute mesure pour garantir la sécurité, l’intégrité et la pérennité d’une activité », ajoute le directeur général de l’Adapei. « Le Conseil départemental a décidé de nous confier l’administration provisoire de ce foyer de vie pendant 6 mois. Nous remplaçons sur cette période l’Anpihm et nous endossons la responsabilité du gestionnaire et de la direction. Nous avons pour mission de corriger rapidement les dysfonctionnements majeurs, redonner de la sérénité aux personnes accompagnées, aux professionnels, aux partenaires, aux familles et tuteurs. »
Pour retrouver une gouvernance efficace
Durant six mois, l’administrateur dressera un diagnostic approfondi de la situation. Il proposera des préconisations d’ici à la fin de l’année 2023. Mais qu’en sera-t-il de l’avenir de l’ANPIHM ? Poursuivra-t-elle la gestion de deux structures ? « Notre bilan sera remis au Conseil départemental. Ce sera à lui de décider des suites à donner en lien avec l’Anpihm. L’objectif principal de l’Adapei35 est de jouer son rôle d’association responsable et engagée pour garantir la sécurité et la qualité des hommes et femmes en situation de handicap. Nous l’assumerons pleinement. »
Pour l’heure, les familles sont prévenues de l’évolution de la situation. « Nous avons d’ores et déjà rencontré à trois reprises les personnes accompagnées et les parents et tuteurs (deux fois). Les résidents participent entièrement avec nous au travail que nous conduisons via le conseil de la vie sociale. Ils procèdent au diagnostic et sont impliqués dans les projets d’accompagnement. Nous tenons chaque partie prenante très régulièrement informée, y compris d’ailleurs l’Anpihm. Nous avons une prochaine réunion avec les familles et tuteurs dès la rentrée en lien avec le département. »
Interrogé, le président de l’association Vincent Assante nous a fait parvenir ces quelques mots. « Afin de respecter le droit à la sérénité des résidents comme du personnel, l’ANPIHM s’interdit toute déclaration qui pourrait perturber l’indispensable tranquillité qui doit conduire à la réalisation de la mission de l’ADAPEI d’ici la fin de l’année », explique-t-il. Deux plaintes ont été déposées par l’ancienne directrice et une ex-salariée.
Infos + : (1) l’Association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales.
Quelques semaines après la parution de l’article, l’association écrivait à la rédaction. Dans la presse, il est toujours étonnant de recevoir un droit de réponse quand le journaliste a pris la peine d’interroger toutes les parties en présence sur un sujet ! Dans notre article, intitulé « Handicap moteur une association placée sous tutelle provisoire pour une situation préoccupante », notre journal avait pris la peine d’interroger le président de l’ANPHIM, Vincent Assante, qui s’était contenté de nous dire au cours d’une discussion pourtant cordiale. « Afin de respecter le droit à la sérénité des résidents comme du personnel, l’ANPIHIM s’interdit toute déclaration qui pourrait perturber l’indispensable tranquillité qui doit conduire à la réalisation de la mission de l’ADAPEI, d’ici la fin de l’année ». Aucune réponse n’avait été donnée sur les autres sujets. Mais voilà au lieu de respecter le « droit à la sérénité des résidents », cette association a tenu par un cabinet d’avocat parisien à revenir sur ce dossier….Ce qu’elle aurait pu faire en appelant tout simplement le journaliste. Conformément à notre déontologie, nous publions leur droit de réponse qui aurait pu mériter des réponses bien en amont et finalement un petit rectificatif. Nous rappelons qu’il est très rare qu’un établissement soit placé sous tutelle.
« Tout d’abord, l’ANPHIM fait part de sa stupéfaction à la lecture de cet article tant celui-ci comporte des inexactitudes. L’association rappelle qu’elle accueille 49 résidents en France depuis mai 1980 sur quatre sites dont 13 résidents en Ille-et-Vilaine sur les communes de Rennes de la Chapelle des Fougeretz.
Aucun des autres des établissements n’a jamais fait l’objet d’une suspension d’activité. Il est totalement erroné d’avoir écrit une « association placer sous tutelle provisoire » puisqu’il s’agit de l’administration provisoire d’un établissement et non pas de l’association gestionnaire ni des autres établissements.
Le site de la Chapelle des Fougeretz. Les fougères, existe depuis 2001 sans que les dysfonctionnements n’aient été remontés à l’association gestionnaire, ni par l’organisme de tutelle le conseil départemental par les résidents ou le personnel en poste pour plusieurs d’entre eux depuis 15 ans.
À la fin de l’année 2022, cet établissement a accueilli une nouvelle équipe de direction, ce qui a fortement et pour de multiples raisons, déstabilisé le personnel et les résidents. Contrairement à ce que relaie l’article, dès que les conflits internes liés à ce changement de gouvernance, lui ont été rapportés en janvier février 2023.
L’association a missionné la direction afin qu’elle fasse appel immédiatement à un cabinet d’audit externe d’évaluation et de médiation en vue de résoudre le conflit et à fin qu’elle informe immédiatement le conseil départemental. 35. Par ailleurs, le conseil économique et social, ses élus, ont demandé une seconde expertise pour risques psychosociaux auprès d’un cabinet de leur choix. L’association bien au contraire des affirmations mensongères relayées dans cet article a également entendu les salariés les résidents. Elle s’est donc montrée très présente et impliquée. Ainsi, les propos rapportés par l’article tenu par un ancien salarié évoquant une volonté de l’association, de couvrir, de ne pas faire d’esclandre, alors qu’il aurait donné des faits de violences psychologiques sont totalement mensongers.
Enfin, l’ANPHIM a choisi de ne pas contester l’arrêté désignant une administration provisoire, estimant qu’elle permettrait de sortir de cette situation préjudiciable en facilitant totalement la mission temporaire de l’Adapei 35, et dans le respect mutuel qui prévaut dans les relations entre associations, responsables et militantes, avec, pour seul objectif, celui de préserver la tranquillité des personnes handicapées accueillies à ce jour. Aucune plainte n’a été notifiée contre l’ANPHIM contrairement aux affirmations mensongères de l’article. »
Pour rappel, ce droit de réponse est exclu pour les sites où il est considéré que la personne concernée peut répondre directement par les services de messagerie disponibles sur la plateforme. A noter que, selon nos informations, deux plaintes ont été déposées à la Gendarmerie de Pacé le 14 juin, l’une par une agent de service, l’autre par l’ex directrice. De surcroit, une plainte a été déposée auprès de l’Inspection du Travail. Nous ne manquerons pas de revenir sur cette affaire dans nos prochaines éditions.