143 plaintes en 75 jours! Les arnaques au faux conseiller bancaires pleuvent à Rennes. A l’Hôtel de Police, plus de 80 % des plaintes reçues concernent ce type d’escroquerie. Le procédé, très bien rôdé, s’attaque à tous type de victimes.
« C’est une véritable explosion », la major Cloatre de la brigade financière de Rennes ne mâche pas ses mots. « Depuis le 1er janvier 2025, nous avons recensé 143 plaintes pour arnaque au faux conseiller bancaire, sur la seule zone police rennaise », ajoute la commandant Troussière, chef de la brigade financière et police administrative. Le schéma est toujours le même. Les victimes arrivent au commissariat, complètement sonnées. Elles pensent s’être entretenues avec leur conseiller bancaire au téléphone et, pensant bien faire, ont finalement communiqué à un escroc toutes les données utiles pour se faire siphonner leurs comptes. « À Rennes, environ deux personnes par jour viennent déposer plainte en ce sens », s’alarme la major, à la fois scandalisée et époustouflée par les méthodes toujours plus innovantes des arnaqueurs.
D’abord un SMS anodin… puis le coup de fil fatal
« Tout part souvent d’un SMS ou d’un mail très bien tourné », explique la commandant Troussière. « Un livreur qui annonce que le colis ne passe pas dans la boite, une confirmation demandée par un site de vente en ligne bien connu, un organisme gouvernemental qui prévient qu’une amende n’a pas été payée, un remboursement Ameli de la sécurité sociale… avec à chaque fois un lien. On clique, on renseigne quelques informations pensant bien faire. Et sans le savoir, on se retrouve dans le filet d’un escroc », illustre la major Cloatre.
Quelques jours, voire plusieurs semaines plus tard, un appel digne d’une cellule de crise vous parvient. Au bout du fil, votre -soi-disant- conseiller bancaire. « Il vous appelle par votre nom, connait votre numéro de compte, votre banque et l’historique de vos paiements. Parfois même, le numéro qui s’affiche est celui de votre agence », explique la commandant Troussière. C’est le plus souvent suite à un vol de données chez des grosses entreprises (Free, Netflix, Orange…) que le filet est jeté. Il ne reste plus qu’à attendre qu’une victime un peu plus naïve que les autres s’y laisse prendre.
Des intermédiaires sévissent à Rennes
Une fois les codes et identifiants en possession de l’escroc, l’argent part très vite « Achats sur internet, virements à l’étranger et plus récemment cryptomonnaie », dénombre le major Cloatre. « Tout est fait très rapidement. Il est presque impossible de remonter le réseau, le plus souvent international », ajoute-t-elle. « Nous savons qu’il y a des intermédiaires en France, puisqu’à Rennes, certains escrocs ont déjà envoyé un faux coursier au domicile des victimes pour récupérer leur carte bancaire physiquement, avant de faire des retraits dans le secteur. » Le préjudice est énorme. « Ça commence souvent autour de 3.000 euros, mais le larcin est déjà monté à Rennes jusqu’à 30.000 euros », alerte la commandant.
« J’ai fait confiance, j’ai tout perdu »
« J’ai eu l’impression d’être hypnotisée », témoigne Yaël. Pourtant loin d’être naïve, elle avoue s’être laissée berner. « Mon téléphone a sonné. J’ai reconnu le numéro de mon agence bancaire. Au bout du fil, un homme m’a affirmé être le remplaçant de mon conseiller habituel. Il connaissait son nom, le mien, ainsi que mon numéro de compte. Il m’a annoncé que j’étais en train de me faire vider mes économies et m’a assené une série de questions ‘dans le but de sécuriser mon espace’. J’étais chaos debout. Devant tant de professionnalisme et de peur distillée, j’ai parlé. » Trop, visiblement. En quelques minutes l’affaire était bouclée, et les comptes siphonnés. « Compte courant, compte commun… même les livrets des enfants », se souvient-elle. « J’étais terrorisée et à la fois en pleine confiance », confie-t-elle. « Le pire c’est que je suis la première à alerter mes parents de ne jamais répondre à des sollicitations officielles par email ou par téléphone… »
Bloquer ses comptes et porter plainte
« En cas d’arnaque au faux conseiller, il faut immédiatement bloquer ses comptes », rappelle la major Cloatre. « Ensuite, connectez-vous à la plateforme THESEE, qui concerne toutes les escroqueries sans dépossession de sa carte bancaire, ou rendez-vous au commissariat le plus proche ».
De concert avec les organismes bancaires, l’Hôtel de police de Rennes alerte bien volontiers. « Ne vous connectez jamais à un site soi-disant officiel depuis un lien SMS ou email. Ne communiquez jamais vos identifiants bancaires à un conseiller : votre banque les a déjà et n’a aucune raison de vous les demander. N’effectuez jamais d’opération bancaire sur internet à la demande de quelqu’un par téléphone. Ne communiquez jamais à quiconque le contenu d’un SMS vous indiquant un code de sécurité : un code sert à valider un achat, aucunement à annuler une transaction. Enfin, ne confiez jamais votre carte à un tiers. »