Hélène Jégado, l’une des plus célèbres empoisonneuses bretonnes, continue de fasciner les esprits et de nourrir l’imaginaire collectif. Justine Jouet, historienne spécialisée dans les sorcières, propose avec La Jégado, la vie d’une empoisonneuse en Bretagne, une approche inédite de cette affaire criminelle. Elle invite à suivre les traces de la tueuse, de Séglien jusqu’à sa destination finale, Rennes. « L’idée du livre, c’est de faire entrer le lecteur dans chaque maison où elle a travaillé comme domestique », explique-t-elle.
Hélène Jégado : 18 ans d’empoisonnements
Entre 1833 et 1851, Hélène Jégado a empoisonné près de soixante personnes, dont trente-deux succomberont. Originaire du Morbihan, cette domestique utilisait principalement de l’arsenic pour arriver à ses fins funestes. « Elle intoxiquait ses victimes puis prenait soin d’elles », révèle Justine Jouet. « Cette stratégie lui a permis de commettre ses crimes pendant des années, sans être inquiétée par qui ce soit. »
Minutieusement, Justine Jouet a compulsé les archives du procès de la Jégado, ouvert à Rennes en décembre 1851. Elle a patiemment étudié les plus de 400 pièces du dossier judiciaire. « J’ai retrouvé des maisons et des victimes non répertoriées dans les précédents ouvrages », explique-t-elle. «Comme le juge d’instruction Hippolyte Vannier à l’époque des faits, j’ai creusé, exploré toutes les pièces du dossier. »
En se démarquant d’œuvres plus romancées, comme celles de Jean Teulé, l’historienne Justinne Jouet offre un vrai travail d’érudit. Elle va au-delà des clichés associant Hélène Jégado à une sorcière, notamment en raison de ses connaissances en plantes. « Elle n’en était pas une, mais elle était sans doute une dame très intelligente et manipulatrice. »
L’affaire Jégado dépasse la simple question des crimes : elle interroge notre vision des femmes. « Elle révèle des femmes qui luttaient contre des systèmes patriarcaux, cherchant à prendre le contrôle de leur destin par des moyens extrêmes. Hélène Jégado, au-delà de l’empoisonneuse, incarne la domestique du XIXe siècle aux prises avec des privilèges et des préjugés.»
Une enquête rigoureuse et inédite
Ce qui distingue véritablement l’œuvre de Justine Jouet, c’est sa rigueur scientifique. « J’ai pris soin de reconstituer chronologiquement tous les témoignages, de Séglien à Rennes, en passant par les foyers où elle a travaillé », explique l’historienne. Cette approche permettrait de mieux comprendre l’ampleur des crimes d’Hélène Jégado ainsi que ses motivations profondes. « Elle était mue par la jalousie et le désir de posséder ce qu’elle ne pouvait obtenir. »
Si la notoriété d’Hélène Jégado s’est récemment illustrée par des ouvrages et même un gâteau emblématique de Rennes, de nombreuses zones d’ombre subsistent encore. « Comment a-t-elle pu acquérir autant d’arsenic sans laisser de traces dans les registres de l’époque ? » s’interroge Justine Jouet. Avec La Jégado, la vie d’une empoisonneuse en Bretagne, l’autrice propose un voyage captivant dans l’histoire criminelle du XIXe siècle. « Mon but n’était pas de l’excuser, mais de la comprendre, » insiste l’autrice. Pour découvrir ce livre, rendez-vous dans les librairies bretonnes ou à la prochaine séance de dédicace prévue à Rennes, à l’encre de Bretagne, le 22 novembre.
