En France, la consommation des drogues ne cesse de croître, notamment celui du cannabis, qui a connu une hausse continue depuis 1992, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives. « L’usage quotidien concerne 2,3 % des 18-64 ans, avec un pic de 3,5 % chez les 18-24 ans et encore 2,9 % chez les 35-44 ans. » Plus inquiétant encore, 14,6 % des 18-64 ans ont expérimenté des stupéfiants autres que le cannabis, un taux qui n’était que de 9,8 % en 2017.
Les établissements de santé mentale n’échappent pas à la règle. Les professionnels se trouvent parfois confrontés à la présence de produits stupéfiants au sein même de l’hôpital. À Rennes, le directeur de Guillaume Régnier, Pascal Bénard, a reconnu l’ampleur du problème, devant des visiteurs, lors des Journées du Patrimoine. « Nous faisons régulièrement intervenir les services de police pour mettre fin à l’usage de drogues dans nos unités. » Sensibilisé par les plaintes de parents de patients, le directeur se montre très vigilant. « C’est un travail mené de concert avec les soignants. Toutes les informations sont remontées et traitées avec soin. »
Nous avons récemment abattu un arbre pour empêcher des individus malintentionnés d’y grimper et de jeter des stupéfiants dans une unité. » Un cadre.
Représentant du syndicat Sud Santé Sociaux 35, Goulven prend lui aussi la question au sérieux depuis longtemps. « Cela fait des années que nous travaillons avec la direction sur ce sujet, mais il a pris de l’ampleur ces dernières années. » Pour contrer cette prolifération, la vidéosurveillance paraît être une solution. « Les agents de sécurité incendie et l’équipe de prévention-intervention peuvent être mobilisés en cas de problème. En coordination avec l’administration de garde, ils préviennent les forces de l’ordre, qui interviennent dès que possible », explique Goulven. Régulièrement, les syndicalistes émettent des alertes en hauts lieux. « Dans les unités, les tensions liées à la consommation de crack augmentent depuis des années. Nous ne reprochons pas à la direction de ne rien faire, bien au contraire ! Mais le sujet est complexe et touche tous les personnels, des aides-soignants aux médecins. »
Un environnement sous pression
Présent dans l’enceinte hospitalière, le trafic de stupéfiants semble bien implanté. « Des anciens patients et des personnes extérieures viennent même vendre dans des zones hyper sécurisées. Récemment, des échanges de dopes et d’argent ont eu lieu sous la porte d’une unité. Dès que nous avons alerté l’administration, la situation a été sécurisée », rapporte Goulven. « Au jour le jour, nous aidons les équipes à trouver des solutions, avec le soutien de la direction. »
Comme tout le monde le sait, cette consommation de drogues n’est pas sans conséquence. « Elle peut exacerber les symptômes chez des patients psychotiques ou schizophrènes », avertit un soignant. « Ce qui fragilise les prises en charge. » Avec l’apparition du crack, Guillaume Régnier est passé à un autre stade. « Des gens peuvent vriller face à nos équipes. La semaine dernière, une blouse blanche a été frappée par une personne connue depuis des années pour user du crack. Pour prévenir tout incident, nous restons extrêmement vigilants et informons nos collègues de tout danger. »
Avec le crack, c’est rare de trouver des gens qui vous disent : je veux arrêter. »
« Il n’y a pas de solution miracle », précise Goulven. « Nous ne voyons pas ce que nos responsables peuvent faire d’autre que de collaborer avec la police. Ce problème dépasse le cadre de l’hôpital et touche également la ville. » À l’intérieur de Saint-Méen, l’autre nom de Guillaume Régnier, les forces de l’ordre ne peuvent pas opérer sans l’accord de la direction. « Nos interventions, qui ont débuté en 2023, visent à lutter contre l’usage et d’éventuels trafics », précise une source policière. Une fois par semestre, des équipes cynophiles sont mobilisées à l’hôpital. « Lors de notre dernière visite, nous avons inspecté onze chambres. Nos actions se veulent préventives, dissuasives et répressives. »
Pour les établissements psychiatriques, les données spécifiques sur la consommation chez les patients sont difficiles à obtenir. Mais il est reconnu que les troubles de santé mentale et les syndromes liés à l’usage de substances sont souvent concomitants. L’Observatoire Français des Drogues et des Tendances addictives (OFDT) estime qu’environ 30 % des bénéficiaires de soins consomment du cannabis, de la cocaïne, MDMA…. À Rennes, la problématique des stupéfiants semble décidément toucher tous les lieux.
Infos + : « Les patients vont et viennent dans notre établissement », explique Goulven. « Nous n’avons pas le droit de les fouiller. Même dans les unités fermées, les explorations corporelles ne peuvent être effectuées qu’avec une autorisation médicale et le consentement du malade. » Parfois, le personnel hospitalier doit gérer des situations délicates. « Lors d’un déclenchement d’alarme incendie, nous avons découvert des patients fumant du crack dans la salle de bain. Ce genre d’incident arrive malheureusement plus souvent qu’on ne le pense. »