Sous les ors du Parlement de Bretagne, ce mercredi 8 juin 2022, les évêques en grande tenue de Bretagne et de Loire Atlantique ont signé un protocole avec Frédéric Benet-Chambellan, procureur général de la Cour d’appel de Rennes. Ils pourront désormais agir ensemble afin d’améliorer le signalement et le traitement des abus sexuels. « C’est une clarification des relations que nous entretenons depuis longtemps », assure monseigneur Pierre d’Ornellas, archevêque de Bretagne. « Nous apposons notre signature de bon cœur », ajoute son homologue briochin, Denis Moutel. « Nous marchons d’un bon pas sur le bon chemin. »
L’évêque doit pouvoir joindre le procureur s’il a le moindre doute dans une situation », explique Frédéric Benet-Chambellan.
Pour éviter l’inacceptable
Face à l’horreur, l’église et le ministère public veulent s’entraider. « C’est une vraie avancée pour traiter toutes les situations possibles. En respectant le rôle de chacun, nous mettons en place une certaine collaboration afin de prendre les décisions les plus justes et garantir la protection des mineurs », assure monseigneur d’Ornellas. « Nos échanges vont nous permettre des relations plus fluides pour que justice soit faite et éviter ainsi toute récidive », ajoute le prélat.
Ce protocole n’est pas le premier en France. « Le procureur de la République de Paris a été le premier à signer un tel document avec l’archevêque de Paris », indique le procureur général. « En Bretagne, il était important de mener une politique cohérente sur nos cinq départements de la cour d’appel, de Brest à Nantes. » Par ce pacte, l’évêque pourra savoir comment il pourra porter à la connaissance du procureur un abus sexuel. À l’inverse, la justice informera l’église sur les mesures judiciaires prises à l’encontre du contrevenant. « On se donne ainsi les uns et les autres la lisibilité des obligations légales qui sont les nôtres chacun envers les autres. »
Pour que justice soit faite
Couvert par le secret professionnel, l’évêque ou les prêtres ne seront pas pénalement sanctionnés s’ils ne dénoncent pas auprès de la justice un abus sexuel auprès d’un mineur de moins de 15 ans. De même, ils ne seront pas poursuivis et inquiétés en cas de dénonciation. Mais une exception « subtile » demeure de nos jours. « Chacun sera redevable de la juridiction criminelle si, étant en mesure d’empêcher la commission d’une infraction (ou la récidive), il n’a pas pris les dispositions utiles », convient le procureur général.
Sur les quinze ans, la Cour d’appel de Rennes a eu à connaître d’une quinzaine d’affaires. « Sur le diocèse de Rennes, depuis 1936, nous avons vécu quarante-quatre situations impliquant des prêtres et une quinzaine de religieux (la plupart sont morts) », précise le prélat. A Quimper, vingt-cinq curés (23 décédés) sont concernés dans un dossier sexuel depuis 1950. « J’entends parler de la pédophilie depuis l’an 2000 », précise monseigneur d’Ornellas. « Chaque année, lors de notre assemblée plénière, nous traitons de ce sujet. En 2016, il y a un vrai basculement. Écouter des témoignages collectifs de victimes nous a permis une prise de conscience plus uniforme de chacun d’entre nous afin d’éradiquer ce phénomène. Nous sommes tous déterminés pour agir sur la réparation et aujourd’hui sur la prévention. »
Infos + : Le prêtre dispose d’une formation pour recueillir toute confidence en dehors de la confession (et donc du secret professionnel) », martèle l’évêque de Rennes.