Elle a cent ans et une pêche d’enfer. Née le 19 février 1922, à Loudéac, Paule Le Pallec (née Auffray) a eu une enfance heureuse avec des « parents adorables » dans la campagne bretonne où son père était directeur commercial. « On était très heureux avec mes six frères et soeurs » , assure-t-elle.
A l’adolescence venue, Paule file chez les soeurs de la Providence, à Saint-Brieuc puis chez les Augustines, à Gouarec. « J’ai conservé un bon souvenir de mes années de pension », précise-t-elle. « Les religieuses étaient gentilles. Dans un grand parc, on faisait du basket avec elles qui trottaient comme des lapins ! »
Les soeurs trottaient comme des lapins !
Baccalauréat en poche, la jeune femme se retrouve en 1941 à Rennes où elle reste jusqu’en 1943. « J’y étais professeure d’enseignements ménagers. J’apprenais aux jeunes filles la cuisine, le repassage, l’hygiène, la puériculture, l’économique domestique ; tout ce qui compte pour être une maîtresse de maison. »
Logeant dans une grande maison particulière rue Anatole Le Braz, Paule partageait sa vie avec d’autres enseignantes. « C’était une vie dure. Sans arrêt, nous vivions avec le bruit de la DCA (défense anti-aérienne). Il n’y avait pas de sucre, ni de pain. Rue Saint-Georges, une boulangère nous donnait souvent des petits longuets de pain. Il fallait s’en contenter. «
Je fais à l’oeil les crêpes avec de farine, un demi-litre de lait et quatre oeufs ! »
Durant quelques années, la jeune femme écoute la BBC et vit à l’heure des bombardements (place de la gare, place Sainte Anne). « La rue Nantaise a été complètement rasée sous mes yeux », se rappelle-t-elle. « Dans le jardin de notre maison, nous avons même retrouvé des papiers des entrepôts de la société Economique, bombardée en mars 1943. C’était épouvantable. »
Après ces quelques années rennaises, Paule retrouve Saint-Brieuc où elle vit un grand moment de joie : la Libération. Elle reviendra à Rennes en 1949 où elle s’installe dans le centre-ville, rue Victor Hugo avec son époux. « Mon mari était assureur et moi-même je recevais des clients à la maison. C’était du télé-travail avant l’heure », s’amuse-t-elle.
Avec l’arrivée de ses trois enfants, les années cinquante et soixante se déroulent tranquillement. « Le samedi, on faisait les magasins (Prisunic, Nouvelles Galeries) et le dimanche, on pique-niquait à mi-forêt. Parfois, on allait sur la côte d’Emeraude avec notre 2 CV. » Pour occuper ses journées de femme au foyer, elle tricote pour ses enfants. « En 1960, se remémore-t-elle, nous sommes partis à Aix-les-Bains en vacances, en 2CV. Au retour à Rennes, j’ai réussi à tricoter un pull dans la voiture! »
Chez ma grand-mère, c’est une très bonne cantine », affirme sa petite-fille « C’est la Queen », ajoute son petit-fils, Franck.
A Rennes, elle et son mari ne rataient aucun marché des Lices. « On y avait nos habitudes. On allait toujours chez le même boucher sous Les Halles. » De temps en temps, elle se rendait au cinéma Le Français, rue Poullain-Duparc, avec son époux. « Avec mon mari, on ne se quittait jamais », ajoute-t-elle. « On se tenait toujours la main. »
Désormais, la centenaire vit avec ses souvenirs rennais. « J’ai adoré Rennes » Avec ses proches, elle passe des moments familiaux où ses talents culinaires font des miracles. « Je régale mes amis, mes enfants, mes petits-enfants avec des soufflés au fromage, des gratins et des crêpes. Cela continue comme j’ai commencé… «
Infos + : « ma recette de longévité, mes enfants m’appellent tous les soirs », assure Paule.