Après la manifestation des professeurs du jeudi 1er février, l’un d’entre eux a souhaité nous écrire. Il était désappointé par la répétition de manifestations dans l’éducation nationale n’aboutissant à rien. « Je me suis demandé ce qui manquait à notre mouvement en comparaison à celui des agriculteurs qui ont obtenu en une dizaine de jours un véritable changement pour leur profession. Le constat est implacable, nos rassemblements sous la bannière d’une intersyndicale, certes de façade, sont inefficaces.
Pourtant, il y avait du monde ce jeudi, des milliers de salariés de l’éducation. Pourtant, l’inventaire à la Prévert de nos doléances serait beaucoup trop long à présenter. Il serait aussi important que celui des 122 des agriculteurs, voire plus. Alors pourquoi l’échec de nos rassemblements, année après année? Pourquoi les paysans réussissent-ils en une dizaine de jours ?
Pourtant, les professeurs exercent une mission aussi essentielle que les agriculteurs ! Mais ils n’ont pas le soutien inconditionnel des Français. Ils ne sont pas comme les paysans qui font ressentir leur désarroi en adoptant des modes de contestation radicaux et efficaces. Pour certains même, les enseignants sont des moins que rien qui sont toujours en grève, ne travaillent pas beaucoup et, qui plus est, jouissent de vacances. Voilà en résumé les représentations négatives délivrées à l’encontre du corps enseignant.
Cette défiance vis-à-vis du corps professoral n’est pas méritée. Car être enseignant à notre époque n’est pas vraiment une sinécure. On ne vient pas comme cela fortuitement, les mains dans les poches, comme certains le croient, devant des élèves. Derrière, c’est du travail de longue haleine. Et pour ce qui est des vacances, compte tenu de la difficulté d’enseigner et de la fatigue ressentie par les élèves, elles sont plus que jamais nécessaires et justifiées.
Ajoutons à cela que les enseignants n’ont pas de 13e mois, et que le salaire brut des jeunes profs de collège (hors primes), qui équivalait à 2,3 fois le SMIC en 1980, n’était plus que de 1,2 fois le salaire minimum en 2021, 40 ans plus tard. Aujourd’hui, on a aussi peine à croire qu’une profession qui est constamment exposée aux contaminations ORL, à la fatigue nerveuse, aux blessures pour les profs d’EPS, ne dispose pas de médecine du travail ! S’arrêter un ou deux jours dans certains cas, afin de récupérer, relève du parcours du combattant.
Les quarante dernières années ont sabordé l’autorité dont le professeur était pourvu. J’en veux pour preuve des exemples concrets. Les ministres interdisent les téléphones portables, mais ils sont toujours autant présents dans les établissements ! Que dire encore des réformettes du brevet et du Bac qui ont ébranlé la notion d’effort et de préparation à un vrai examen. Et voilà maintenant qu’ils veulent passer aux classes de niveau ! Comme d’habitude une réforme pour montrer qu’on a fait quelque chose, sans dotations d’horaires en plus.
Maintenant, quelle stratégie avoir pour changer quelque chose de manière sérieuse dans l’éducation nationale ? Il faudrait déjà s’unir sur une revendication symbolique commune qui rétablirait la vérité dans l’opinion publique sur la réelle difficulté d’enseigner dans cette période moderne à la numérisation des savoirs, à l’enfant-roi, à l’absence d’autorité. Ainsi, l’on pourra établir une liste de doléances et exiger leur élaboration immédiate, à l’instar du mouvement des agriculteurs. »
Infos + : mais ce qui me touche le plus encore, c’est d’entendre les médias parler de l’enseignement privé comme d’un havre de réussite et de paix ! Non, le privé n’est pas meilleur que le public, Oui, certains établissements privés à l’IPS bas (indice de position sociale) devraient bénéficier des mêmes aides que le public. Voilà une faille qui n’est jamais évoquée dans les syndicats et dans les manifestations.»