En apprenant l’abandon des projets Bridor (à Liffré) et Amazon (La Janais), les écologistes rennais et d’Ille-et-Vilaine étaient loin d’être mécontents. Ils dénonçaient une implantation du groupe Le Duff trop gourmande en terre et une installation d’un géant américain, peu soucieux de l’environnement. Toutefois, ces « cocoricos écolos » ont été de courte durée devant le « pragmatisme » de la présidente de Rennes métropole, Nathalie Appéré. Ils se « retrouvent Grosjean comme devant » depuis l’implantation prochaine de Safran et les 200 emplois promis (voir notre article).
Mais pouvait-il en être autrement ? Sur le site de La Janais, les friches industrielles (propriétés de Rennes métropole) sont encore nombreuses, désespérément vides. Sur le site de la Janais, Stellantis (ex-PSA) ne rassure personne quant à sa pérennité ! Avec l’arrivée de l’équipementier aéronautique, six hectares sont désormais occupés sur les 35 qui étaient inoccupés. « Une paille », diront certains. « Une bonne nouvelle pour de prochaines installations », préciseront d’autres.
Vélos cargos contre industrie aéronautique
N’empêche, pour les écologistes, l’annonce passe mal. « C’est avec stupeur que nos élus ont découvert hier soir le projet d’implantation à la Janais d’une usine Safran pour la fabrication de pièces de moteurs d’avion », expliquent-ils dans un communiqué. « Nous avons toujours soutenu la réindustrialisation du site de la Janais dans une perspective de création d’emplois de qualité et de productions au service du territoire et de la transition. C’est pourquoi nous avons voté en 2018 une stratégie pour une Janais exemplaire en matière d’écologie industrielle, avec plusieurs succès : vélo cargos, énergie osmotique, électrification de la chaîne de Stellantis. »
Avec l’arrivée de Safran, la présidente de Rennes Métropole renonce à ses « promesses » et ses ambitions. « Aux côtés des élus de la Région Bretagne, armés des vieux logiciels productivistes du passé, les socialistes rennais reprennent à leur compte le “greenwashing” de Safran sur de soi-disant moteurs décarbonés. Pourtant, les moteurs réalisés sur ce site fonctionneront bien à l’énergie fossile. Les économies d’énergie attendues seront absorbées par la croissance mondiale du trafic aérien à laquelle il est irresponsable de contribuer. »
Dans ce communiqué, les Verts enfoncent le clou. « Installer une industrie, c’est penser l’aménagement d’un territoire sur plusieurs décennies. Au regard des urgences climatiques, l’aviation n’est pas un secteur d’avenir. Pour respecter nos limites planétaires, le défi prioritaire de ce secteur est plutôt de réduire drastiquement le nombre de vols. » Loin d’être convaincus par ce projet, les écologistes s’inquiètent pour le futur. « Qu’est-ce qui nous garantit que Safran, groupe mondialisé, qui vient de délocaliser une activité des États-Unis en France, ne délocalisera pas à nouveau dans l’avenir au nom du rendement financier ? », s’interrogent-ils. « Nous pouvons en tout cas nous préparer à des chantages à l’emploi, sollicitant toujours plus d’avantages et d’investissements publics pour entretenir cette impasse. Livrer l’exceptionnel foncier de la Janais à Safran est donc un gâchis économique et écologique. »
Cette annonce non concertée est une rupture de confiance qui remet en cause une stratégie majoritairement adoptée par le conseil métropolitain. La présidente contourne les instances démocratiques de notre collectivité qui n’a pu débattre de ces changements d’orientation et encore moins des conditions offertes à Safran pour encourager son implantation », précise Morvan Le Gentil.
Ces cris d’orfraie risquent de faire mal dans la majorité municipale. La maire de Rennes, Nathalie Appéré, visée par ses collègues élus, en sortira-t-elle indemne ? Restera-t-elle droite dans ses bottes ? Après avoir cédé aux écologistes sur un certain nombre de dossiers (destruction de la dalle du parking de la Vilaine…), elle fera valoir une décision pragmatique et pourvoyeuse en emplois. Mais d’ores et déjà, son opposition sort du bois au sujet de la position des Verts. « Il y a un truc en politique assez radical, cela s’appelle la démission ! », expliquait Loïck Le Brun (centre droit) sur les réseaux sociaux. « Mais pour cela, il faut du courage… et en plus abandonner son chèque de fin de mois… les Verts iront-ils jusque-là ? »
Infos + : « nous déplorons ce coup de force alors que d’autres solutions étaient à l’étude. La pression autour du rayonnement économique de notre territoire l’a de nouveau emporté sur un aménagement durable et visionnaire. Au passage nous avons l’expression d’un mépris pour toutes les PME innovantes qui créent des emplois qualitatifs et non délocalisables», précise Valérie Faucheux, adjointe au maire de la ville de Rennes.