Au dernier étage des Champs Libres, il est un endroit adorable, malheureusement méconnu des Rennais : le musée Henri Pollès. Ce collectionneur patenté était courtier en livres « dépareillés » pour des clients prestigieux comme le poète breton Max Jacob, Marcel Jouhandeau ou Jean Giono.
Surnommé le « franc-tireur du petit commerce », Henri Pollès dépensait sans compter pour dénicher la perle rare pour ses clients. Mais très vite, il se décide à acquérir des ouvrages pour sa propre maison de Brunoy, dans l’Essonne, où il a créé un univers insolite de bibliophile passionné. « Quel plaisir d’admirer une belle reliure ! », écrit-il en 1986. « D’abord, on la caresse des yeux, et puis on ne résiste pas à caresser des doigts la peau et les ors. »
Après une rencontre en 1983 avec le maire de Rennes Edmond Hervé, Henri Pollès fait don de sa collection en échange de l’ouver- ture d’un musée à son nom en 2006. Avec quelque 20 000 ouvrages, 2 000 dossiers documentaires et 10 000 objets, cet espace reproduit fidèlement son bureau romantique, sa salle de bain, sa vélothèque, sa bibliothèque russe, son mur de reliures et sa chambre. Mais pas seulement : il présente aussi la « rilkothèque », qui rassemble les ouvrages de Rainer Maria Rilke, et la « gionothèque », pour ceux de Giono.
Loin d’être seulement collectionneur, Henri Pollès devient écri- vain dès l’âge de 10 ans. En 1933, il reçoit le prix populiste avec son texte Sophie de Tréguier : mœurs de village, devant – excusez du peu – Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. En 1934, il écrit Les paralytiques volent et en 1937 un pamphlet contre le fascisme, L’opéra politique. Après la guerre, il manque à deux reprises le prix Goncourt : en 1945 avec Toute guerre se fait la nuit et en 1964 avec Le fils de l’auteur. En 1983, il décroche le prix Paul-Morand de l’Académie française et le grand prix des Écrivains de l’Ouest avec Sur le fleuve tranquille vient parfois un beau navire.