L’opposition municipale se gargarise sur l’insécurité, place Sainte-Anne ! « Défigurée par des jets de peinture, des affichages sauvages, des incendies de poubelles qui ont fait fondre les dalles de l’esplanade, Sainte-Anne est squattée en permanence par des marginaux et leurs chiens », expliquait Carole Gandon (Révéler Rennes). https://www.rennes-infos-autrement.fr/place-sainte-anne-que-faire-pour-lui-rendre-son-attrait/. Pour vérifier les critiques de l’opposition (ainsi que celles de Charles Compagnon), rien de mieux que de s’installer à la terrasse de La Bonne nouvelle, un samedi, en fin d’après-midi.
Des marginaux assis, des trafiquants sur le perron
Devant un DBK (diabolo, banane, kiwi), le poste d’observation est idéal. Il est 18 h 30, les bouquinistes remballent leur stand, sous les yeux de deux marginaux, assis le long de la station de métro. Visiblement éméchés, ces deux-là discutent devant un homme à la longue barbe, juché sur une poubelle. À côté d’eux, un couple s’endort ! Au loin, des trafiquants occupent le perron de l’église. Ils sont six, avachis sur les escaliers.
Au centre de la place, le manège tourne sans fin devant les restes d’un brasier allumé par des étudiants, lors des dernières manifestations. Devant l’entrée de la station, deux costauds de la sûreté papotent allègrement. Ils ne prêtent pas attention aux cris d’un goéland et d’un… homme ! Sans crier gare, la police municipale fait son apparition dans un SUV rutilant !
Dans le bar, du rap est au programme. « Le 36 et les cassos », martèle le rappeur. Au loin, un musicien africain arrive devant l’édifice religieux. Il n’a pas d’égard pour les cabanes en bardage bois et les « petits kiosques commerciaux » hors d’usage et tapissés de tags. C’est le moment où un mendiant (entre deux rasades de bière) vient demander la pièce !
«Cest la cour des miracles », affirme un vieux monsieur. «c’est la place la plus animée », répond un jeune.
Au milieu de la place, un type fait des acrobaties avec son vélo. Il salue les six trafiquants de stupéfiants de l’église. Derrière lui, un scooter traverse l’esplanade à fond de train, laissant une odeur de carburant traficoté. « Le cœur est niqué », chante le rappeur. Devant nous, la foule est importante, éclectique et disparate : un jeune avec une crète, une famille anglaise, un homme avec une robe, des étudiants, des bourgeois, des midinettes… Mais très peu restent à bavarder au milieu de la place.
Au loin, le cycliste manque de se casser la figure. « T’en veux pas d’être une merde », ironise le rappeur. À deux pas, un couple avec deux chiens en laisse rejoint le groupe de marginaux. Ils sont désormais une dizaine dont le barbu, toujours là, qui boit son « litron » et qui prend soin de reboucher… sa bouteille. Il ne faut pas gâcher !
Derrière nous, un petit détail fait sourire les passants. La banque, recouverte de palissades en bois, a pris soin de mettre une pancarte sur sa vitrine où l’on peut lire : c’est ouvert ! Il est 19 h 30. Un homme tourne autour d’un panneau de signalisation. Il tient à peine debout. Un long moment, il reste immobile puis repart doucement. Le regard hagard, il semble compter ses pas. « Il n’est pas tout seul dans sa tête, » fait remarquer un jeune, hilare.
Disparaissant dans la foule, l’individu, les yeux baissés, ne fait pas attention au vendeur de fleurs, aux livreurs Uber Eats et au mendiant. Il pousse un dernier cri sans que personne n’y prête intérêt. La nuit va être longue sur la fameuse place Sainte-Anne où, au Ty-Anna, l’on commande des « binouses ». « Cette place devient vivante, en soirée », assure le voisin de table. À Sainte-Anne, une autre population arrive…