L’enseignante de lettres dans un lycée rennais, Perrine Tripier, est jeune. Mais à 24 ans, la diplômée de l’université de Rennes 2 en littérature générale et comparée vient de sortir sans doute l’un des plus beaux romans de l’année. Intitulé Les Guerres précieuses, son ouvrage est un chef-d’œuvre de jeunesse. Une sorte d’ovni littéraire au milieu d’un succédané d’écrits parisiens où l’on traite de l’amour paternel ou de la difficulté d’être une trans ! Loin des classiques contemporains, l’auteure plonge dans le talent avec délectation. Elle écrit comme Proust, comme Morand, comme Colette. Elle distille le détail dans un miracle de formules. Elle cisèle dans un style limpide des phrases proustiennes. Elle puise dans l’histoire d’une maison les secrets d’une réussite. Avec elle, le lecteur est emporté dans une joie trépidante où les mots sont un plaisir, les sentences divines. On est dans l’éblouissant. On est dans la naissance d’une virtuosité. Dans un temps pas si lointain, on aurait crié au prodige. On l’aurait comparé à Françoise Sagan. On lui aurait cherché des noises. Heureusement, le génie littéraire passe après les influenceuses. Heureusement, il laissera à la jeune femme le soin de construire une œuvre. On relira avec délectation en tournant les pages ces quelques lignes : « les étables et les sapins paraissaient gorgés d’une sève incandescente ; l’herbe, d’un vert insolent, était traversée de grands aplats de soleil. » On écoutera ces quelques mots : « nous glissions dans le silence comme une étincelle à la surface de l’étang, et les flots du sommeil se refermaient sur nos yeux. » Sans cesse, on va de surprise en surprise au fil de chapitres où la lumière poétique enivre notre plaisir. Perrine Tripier entre dans la cour des grands de Gallimard. On attend avec impatience son deuxième ouvrage. Et on lui souhaite de devenir aussi talentueux qu’un certain Jean-Pierre Dubois, auteur d’Une vie française ou encore de Muriel Barbery, de L’élégance du Hérisson. Les guerres précieuses, Gallimard, 185 pages. 18 €.