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samedi 26 avril 2025
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« NOUS SOMMES LES ESCLAVES DU BITUME »

Ce 18 mars, les livreurs arrivent un à un sur l’esplanade du Général de Gaulle. À l’appel de deux syndicats, ils sont venus s’exprimer sur leurs conditions de travail et leurs rémunérations. Ils ne sont pas nombreux, mais leurs témoignages en disent long sur leur mal-être. « Nous sommes les esclaves du bitume », dénonce Joseph Atangana, coursier et syndicaliste.

Des revenus en chute libre

Pour ces travailleurs de l’ombre, le constat est amer. « Depuis 2020, nous avons aujourd’hui perdu entre 40 et 50 % de notre chiffre d’affaires », précise Joseph Atangana. Cette baisse s’explique notamment par l’augmentation du nombre de livreurs sur les plateformes. « Rennes en comptait environ 500 avant, actuellement, on en trouve entre 1000 et 1500. Le gâteau devient trop petit », ajoute-t-il.

Résultat : certains passent une journée entière sans rien faire. « Il y a des jours où je me connecte à 9 h du matin, et à 16 h, je n’ai toujours pas eu une seule course », se lamente Joseph Atangana. Pis encore, un même livreur peut recueillir des doubles ou triples commandes. « Tant qu’un livreur n’a pas eu ses trois commandes, les autres n’en ont pas. Et lorsqu’il a la deuxième, on lui demande de la déposer pour 90 centimes, la troisième parfois pour moins de 50 centimes », dénonce-t-il.

Une dépendance totale aux plateformes

En colère, les livreurs s’indignent du fonctionnement opaque des plateformes et de leur dépendance aux algorithmes. « Nous sommes totalement à leur merci », affirme Joseph Atangana. Ces derniers ajustent les prix en fonction du nombre de livreurs disponibles. « S’il y a trop de livreurs, les tarifs baissent. S’il n’y en a pas, ils montent légèrement. On ne peut rien prévoir, c’est la plateforme qui décide combien on va gagner aujourd’hui », ajoute-t-il. « C’est la seule activité où vous êtes autoentrepreneur, mais c’est votre partenaire qui fixe le tarif de votre service. »

Joseph, livreur et syndicaliste.

Sans hésiter, Joseph dénonce aussi des conditions de travail dégradantes. « Certaines plateformes facturent aux consommateurs des frais pour monter les escaliers, mais au final, c’est nous qui devons le faire gratuitement. J’ai déjà vu des clients exiger qu’on leur livre leur commande directement sous leur couette », raconte-t-il. Face à cette situation, les livreurs réclament une régulation stricte. « Depuis trois ans que le dialogue national existe, aucune plateforme ne veut nous expliquer comment est constitué le prix d’une course », regrette Joseph Atangana.

Depuis quelques années, les livreurs s’enflamment aussi autour de l’usage des scooters. « Aujourd’hui, 99 % d’entre nous roulent en deux roues, mais officiellement, c’est interdit. Légalement, nous devrions être à vélo. Pourtant, l’État ferme les yeux, car il sait que nous ne pourrions pas survivre autrement », dénonce-t-il. « Nous demandons depuis quatre ans une capacité de transport simplifiée, qui permettrait de légaliser notre activité et d’améliorer nos conditions de travail », insiste-t-il.

Vers un sursaut collectif ?

Malgré la colère, la mobilisation reste faible. « 99 % d’entree nous viennent de l’immigration et nous n’avons pas la culture de la contestation », reconnaît Joseph Atangana. Pourtant, un rapport de force est nécessaire pour changer les choses. « Face aux grandes plateformes comme Uber Eats ou encore Deliveroo, nous devons nous unir », confie-t-il. « Nous demandons un prix plancher minimum à 3 euros par course, et une majoration en cas de pluie ou de conditions difficiles. Nous voulons aussi des assurances et un cadre légal qui nous protège », ajoute-t-il. « Aujourd’hui, un coursier peut faire entre 10 et 14 heures de travail et ne gagner que 40 ou 50 euros. C’est la mort de la livraison si rien ne change », alerte-t-il.

Mais en attendant une prise de conscience, les livreurs continuent de sillonner les rues, soumis aux lois impitoyables des plateformes, sous les trombes d’eau, dans le froid, pour des courses de quelques centimes. « Aujourd’hui, nous sommes dans une activité où la précarité est organisée», affirme un homme qui préfère conserver l’anonymat. Cette précarité entraîne un renouvellement constant des livreurs. « Beaucoup débutent en pensant qu’ils vont pouvoir en vivre, mais au bout de quelques mois, ils arrêtent. Ils sont remplacés par d’autres, et le cycle recommence », observe Joseph Atangana. « Les plateformes encouragent ce turnover, qui leur permet de maintenir des tarifs bas et d’éviter tout mouvement collectif de revendication. Ceux qui restent finissent par accepter des conditions de plus en plus précaires, car ils n’ont pas d’autre choix », ajoute-t-il.

jean-christophe collet
jean-christophe collet
Lancé par le journaliste Jean-Christophe Collet en 2012/2013, www.rennes-infos-autrement.fr devient un site d’informations en 2015 et est reconnu comme site d’informations en ligne par le ministère de la Culture et de la communication.

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