Lors du dernier conseil municipal, ce lundi 30 juin, un échange tendu mais nécessaire s’est tenu entre l’élu de la majorité Honoré Puil, président d’un office public de l’habitat, et le préfet Amaury de Saint-Quentin. Au cœur du débat : les préoccupations croissantes des bailleurs sociaux face à l’emprise du narcotrafic dans les quartiers populaires. « Ce fléau s’installe dans les résidences et vient contrecarrer notre mission essentielle, celle d’assurer la tranquillité des locataires. Le trafic des stupéfiants ne se cache plus, il se montre, il s’exhibe, partout, tous les jours, à toute heure », a dénoncé Honoré Puil. Face à ce qu’il qualifie de « colonisation de l’espace public », il s’est fait le porte-voix des offices HLM. « Le trafic mine l’autorité de la République, affaiblit les services, compromet les projets de renouvellement urbain, et hypothèque l’avenir de toute une génération ».
Devant le préfet, l’élu tire la sonnette d’alarme. Les bailleurs sociaux, bien qu’« engagés », ne jouissent pas des moyens juridiques pour répondre efficacement. « Ils ont aujourd’hui le sentiment de buter sur les limites des outils à leur disposition », regrette-t-il. Surtout, il met en lumière le décalage entre les infractions constatées et les réponses. « Les locataires […] ne supportent plus de voir l’espace public accaparé par les dealers, parfois à quelques mètres seulement des résidences et des caméras. » Et d’interpeller les représentants de l’État : «sur les points de deal que vos services connaissent parfaitement, le problème n’est plus celui de l’identification, mais bien celui de l’intervention. » Contre cela, il réclame un « plan global, coordonné, structuré autour d’un certain nombre de priorités ». Il souhaite notamment le déploiement de forces de police « plus abondantes, plus visibles ». Il milite pour la protection des familles « que les revendeurs de drogue parviennent à instrumentaliser ou à envahir », et l’accélération des procédures de résiliation de bail. « Il est anormal que la démarche de conciliation expose nos collaborateurs à des individus liés au trafic. Cela met leur sécurité en péril. »
Donner aux bailleurs les outils juridiques et les marges de manœuvre nécessaires pour agir rapidement sans exposer leurs agents. » Honoré Puil.
Le préfet Amaury de Saint-Quentin n’a pas esquivé la confrontation, bien au contraire. « C’est un enjeu qui me semble en effet prioritaire », a-t-il reconnu. Il a encore une fois rappelé les réunions récentes organisées avec le procureur de la République et les bailleurs. « Une autre rencontre d’ailleurs suivra dans quelque temps», ajoute-t-il. « Les bailleurs ne sont pas des policiers, mais ils sont pleinement partis du continuum de sécurité ». Mais il attend toutefois plus d’eux. « Ils ont des gardiens, des caméras, des capacités d’adaptation des bâtiments, des remontées d’informations. Ils peuvent s’organiser sur les problèmes de sécurité. Cela existe dans notre ville. »
Le préfet va encore plus loin en soulevant un sujet très concret : l’accès des forces de l’ordre aux immeubles. « Nous devons régler une question de badge pour que toutes les unités de police puissent accéder dans les halls», lance-t-il. Il s’étonne d’ailleurs que l’on ne trouve pas les «ressources pour les fournir sans entrer dans des considérations budgétaires décalées par rapport aux enjeux ». Encore plus sévère sur les expulsions, Amaury de Saint-Quentin renvoie la balle. « Les procédures sont longues et complexes, mais sont-elles pour autant ouvertes en nombre suffisant ? » Il exprime même sa stupéfaction face à certains refus. « J’ai aussi pu m’étonner d’entendre dire que le stockage de cocaïne dans un appartement n’était pas une source raisonnable pour fonder la résiliation du bail. » Et d’ajouter : « Que le bail des parents d’un jeune trafiquant ne soit pas rompu au motif qu’ils n’étaient peut-être pas au courant, cela me surprend aussi. » Il tend néanmoins la main. « Nous serons aux côtés de tous, n’en doutez pas. Mais nous attendons des bailleurs qu’ils soient à l’initiative.Ceux-ci doivent adapter leurs pratiques à « la nouvelle donne du narcotrafic .»