L’audience solennelle du tribunal judiciaire de Rennes s’est tenue ce lundi 13 octobre 2025 dans un climat de soulagement prudent et devant un parterre de personnalités. Après des années marquées par des tensions extrêmes sur les effectifs, la juridiction enregistre enfin une vague d’arrivées significative. L’embellie est certes partielle, mais elle permet au tribunal de reprendre un peu d’élan.

« Nous sortons d’une période très difficile et entrons dans une période“un peu moins difficile», a déclaré avec mesure François Lavallière, premier vice-président. «Les stocks de dossiers à juger augmentent, les délais d’audiencement augmentent, le découragement s’installe parfois. La solidarité entre les collègues de la juridiction a été et reste nécessaire pour éviter l’effondrement. » À la rentrée de septembre, douze juges et un magistrat honoraire ont rejoint les équipes, contre huit départs. Ce rééquilibrage permet à certains services en grande souffrance — juges des libertés, pôle social, contentieux de la protection — de commencer à sortir la tête de l’eau.
Outre l’arrivée de la nouvelle présidente (Alice Mazenc), cette vague de nominations est marquée par des profils variés et expérimentés, dont plusieurs sont déjà familiers des juridictions bretonnes. Guillaume Bailhache, en poste à Rennes comme coordonnateur du service des affaires familiales, prend désormais la tête du service pénal en qualité de vice-président. Il pourra s’appuyer sur Laure Humeau, pénaliste aguerrie venue de la JIRS (juridiction inter-régionale spécialisée) de Marseille, qui est venue renforcer en qualité de première vice-présidente le pôle correctionnel de la JIRS.

Au service des juges des libertés et de la détention, Valérie Gorlin, forte d’un parcours à la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, renforce le pôle « détention et liberté ». Elle est accompagnée de Clémence Eble, qui a quitté le parquet de Rouen, et de Maud Castelli, ancienne avocate devenue magistrate. D’autres renforts viennent de la région parisienne ou du nord de la France, à l’image de Clément Valnet, juge des enfants, et Kenan Clolus, juge d’instruction. Tous deux sont attachés à la Bretagne et entament à Rennes une nouvelle étape de carrière. L’application des peines accueille aussi de nouveaux visages : Pauline Belval, en provenance du parquet de Saint-Brieuc, et Manon Ternoy, ex-juge des enfants à Meaux. Du côté du contentieux de la protection, Killian Maillefaud, magistrat polyvalent passé par la cour d’appel d’Orléans, s’installe avec Caroline Troadec, ancienne juge à Bourges. Enfin, Edmond Duclos, magistrat chevronné entre parquet et siège, rejoint l’équipe en tant que magistrat honoraire.
Du côté du parquet, quatre magistrats font leur entrée, ce qui porte l’effectif à 24. Cette progression notable a été saluée par le procureur de la République Frédéric Teillet. « Nos trois postes vacants ont été pourvus et deux créations supplémentaires sont venues renforcer les équipes », a-t-il précisé. Vice-procureure, Domitille Forey, venue d’Évry et du Mans, prend en main les procédures liées aux atteintes aux biens et l’audiencement. Anne-Gaëlle Martin, après des années à Bobigny et Nanterre, est désormais chargée des atteintes aux personnes. Héloïse Douget, native de Quimper, quitte Boulogne-sur-Mer pour suivre le contentieux routier, enjeu stratégique selon le parquet. Enfin, Charlotte Chardon, jusqu’ici juge de l’application des peines à Montbéliard, sera en charge des violences intrafamiliales. Ces renforts permettent une réorganisation du parquet, avec notamment la suppression du pôle criminel et une structuration plus claire des pôles de l’action publique générale et des mineurs et de la famille.
Mais malgré ces évolutions, le constat reste prudent. « Les enjeux qui nous attendent sont immenses, au premier rang desquels notre capacité de jugement », a rappelé le procureur Frédéric Teillet. Les délais d’audiencement sont trop longs, en particulier pour les affaires pénales. Les dossiers non détenus de la JIRS (pourtant aujourd’hui de cinq magistrats) s’accumulent, faute de formation dédiée pour les traiter rapidement. Or, ces affaires recèlent des défis considérables, notamment dans les confiscations et les saisies. Arrivée début septembre, la présidente Alice Mazenc, l’a reconnu sans détour. « Nous sommes encore loin des effectifs cibles promis à l’horizon 2027 ». Mais elle se veut résolument optimiste, soulignant l’importance « d’avancer malgré tout, porter des projets concrets et soutenir les équipes dans un contexte incertain. »


