Ce mercredi 7 janvier 2015, place de l’Hôtel de Ville, Rennes, les visages sont figés. Les traits sont marqués par la douleur. Environ 15 000 Rennais sont là, hébétés, quelques heures après l’attentat contre Charlie Hebdo. Il y a les sans grades, les élus, l’ancien maire, les syndicalistes, les francs-maçons, les fachos, les socialistes, les communistes, les musulmans… Le Rennes d’en bas qui rencontre le Rennes d’en haut dans une communion au nom de la liberté. Au loin, Nathalie Appéré lit son discours. Le micro est coupé. Mais qu’importe. Les Rennais sont là pour dire leur attachement à la presse, leur attachement à leurs journalistes, leur attachement à l’esprit français. Ils veulent défendre la liberté, la caricature, la légèreté. Ils sont rassemblés dans une prière universelle en donnant de leur personne, de leurs bougies, de leurs slogans. « Je suis Charlie, » crie un étudiant, déclenchant des applaudissements. Un instant de grâce. Un moment d’éternité dans le flot des quotidiens des besogneux que nous sommes. Dans la nuit, une voix retentit. Enfin. Elle rompt le silence lourd. Elle est celle du président du club de la Presse, Xavier Debontride. Celle de l’émotion. Celle de la fraternité. Il ne donne pas son nom. Il s’éclipse derrière son statut de journaliste et il a raison. Dans sa voix, les trémolos de l’indignation. Dans ses mots, la blessure d’un homme en deuil. Dans son discours, la retenue de l’homme révolté. On se rappellera que ce jour-là fut tout en dignité. On se souviendra ce jour-là que les Rennais furent rassemblés pour accompagner là-haut les douze apôtres de la Presse. Pour dire un dernier adieu. Crédit : Julien Moreau.