Sébastien arpente les pavés de la rue Vasselot. Reconnu et apprécié de tous, il fait la manche devant l’une des boulangeries. « Je le croise tous les matins, » explique Henri, octogénaire alerte. « Je lui donne la pièce, bien volontiers. » À 54 ans, le SDF souhaite un toit. « J’ai déjà passé deux hivers dehors. C’était un peu compliqué », assure-t-il. « À Rennes, c’est très long pour obtenir gain de cause. Dans cette cité étudiante, c’est deux à trois ans et demi d’attente pour disposer d’un logement social. »
Pour avoir un boulot, il faut avoir un logement et pour avoir une « piaule », il faut un travail. Il faut bien commencer par quelque chose ! »
Pour l’heure, la ville lui propose un foyer d’hébergement dans six ou sept mois. « Si je n’ai pas le choix, je le ferai. » Mais dans ces structures, l’homme ne voulait pas mettre les pieds. « Je ne bois pas d’alcool à la différence de beaucoup », explique-t-il. À Rennes, le SDF a du mal à comprendre ces longs délais. « Cela te casse tout espoir », indique le citoyen rennais comme il se proclame. « À Quimper, je ne connaissais pas cette ville-là. En six mois, j’ai eu un hébergement et j’ai été embauché en tant que cuisinier, sous un statut de travailleur handicapé. »
Dans un logement, l’homme (qui doit se faire opérer) retrouverait de l’espérance. « J’ai envie de travailler et de me réinsérer. Une maison, un appartement, cela te permet de poser tes affaires en sécurité. Cela me donnerait du boulot. Un job, je peux en avoir partout. Je suis cuisinier, mais il faut de l’hygiène. » Déjà sans domicile fixe à 13 ans, Sébastien ne pensait pas retrouver la dèche. « En tant qu’adulte, c’est la première fois que je vis une situation aussi délicate que cela. À cinquante-quatre ans, la rue est vraiment plus difficile ! »
Dans le centre-ville, Sébastien croise de multiples SDF. « Nous sommes de plus en plus nombreux, chaque année qui passe », assure-t-il. Sept jours sur sept, il mendie rue Vasselot. « J’y reste de 7 h du matin jusqu’à 11 h 30, voire 12 h. Mais si la manche ne fonctionne pas, j’arrête vers 15 h ! » Le restant de la journée, il va se « poser » dans les prairies Saint-Martin. « Je suis sur un petit terrain privé d’une dame qui m’a donné l’autorisation d’y être en contrepartie de l’entretien. Tant qu’elle n’est pas décédée, la mairie ne peut pas l’exproprier. »
« À Rennes, il y a plein de logements vacants. Des SDF squattent des immeubles entiers, qui sont libres. »
Rue Vasselot, le SDF retrouve du lien social. « Au début, j’ai eu du mal à m’intégrer. Beaucoup de gens étaient alcoolisés, faisaient la manche. Un SDF de plus, cela pouvait faire peur. Mais à force, les commerçants ont fini par s’habituer à ma présence. Ils disent du bien sur ma petite personne. J’en suis très ému ! » Parfois, il part chercher du réconfort dans les locaux de Sauvegarde de l’enfant à l’adulte (SEA35, http://www.sea35.org) où il va chercher son courrier. « Mais là-bas, c’est aussi compliqué. L’association a de moins en moins d’effectif, de revenus. Auparavant, on pouvait y aller tous les jours, mais actuellement, le bureau est ouvert trois ou quatre fois par semaine. » Mais l’homme ne désespère pas. Il veut croire en l’avenir, en son avenir. « J’ai toujours eu un bon niveau scolaire. Je suis ouvert, je sais parler et je suis quelqu’un d’humain. Le boulot ne m’a jamais fait peur, même avec un doigt en moins. »