Spécialisée dans l’accompagnement des migrants depuis quarante ans, l’UAIR, l’Union des Associations interculturelles de Rennes, est dans la tourmente. Elle ne bénéficie plus de subventions de la part de la municipalité (vitales à son existence). Lors d’un récent conseil municipal de Rennes (18 septembre), la maire et son adjointe Geneviève Letourneux s’en sont expliquées devant le vice-président du collectif. Elles s’appuyaient sur un « diagnostic complet de la situation » et de nombreux échanges. Mais cette réponse a intrigué Charles Compagnon, conseiller de l’opposition (centre-droit). « J’ai eu le sentiment d’assister à l’exécution en direct de l’UAIR », a-t-il assuré, le lundi 9 octobre dernier. « À mon grand étonnement, je n’ai retrouvé aucun compte rendu d’évaluation de la part de la mairie. Je n’ai pas trouvé non plus de courrier, stipulant précisément ce qui était reproché à l’UAIR dans ses accueils et assistances. »
En poursuivant ses recherches, Charles Compagnon a trouvé une seule réunion le 12 décembre 2021 où l’association a vu son conventionnement arrêté par la municipalité. « Le seul motif exprimé par la ville : le projet ne correspond pas au projet municipal. » Devant cette situation, le leader de l’opposition s’interroge aujourd’hui sur la place publique. « La nouvelle équipe de l’UIAR, élue depuis le 26 juin 2021, donne-t-elle assez de gages politiques à la majorité ? Cette allégeance était apportée par l’ancien président et ses troupes. Ces élus ainsi que certains salariés de l’UAIR avaient d’ailleurs comme qualité de militer dans le même parti que celui de madame la maire. »
Pourtant, cette association fait partie de l’histoire du territoire. « 40 ans ce n’est pas rien. La nouvelle équipe qui dirige l’UAIR depuis presque 2 ans est l’exemple même d’une intégration réussie. Pour la majorité d’entre eux, ils ont eu un parcours migratoire. Cette équipe dispose de de compétences, d’expérience, de formation nécessaires à une bonne gestion. La liberté associative pour cette majorité serait donc à géométrie variable ! Nous vous demandons de reconsidérer vos positions concernant l’UAIR, à moins que le fait d’être défendu par nous, précipite encore plus rapidement la fin de l’association. »
Pas de décision à la légère
Adjointe au maire, Geneviève Letourneux confirme les échanges avec l’association. « Notre décision n’a pas été prise à la légère », convient-elle. « Le projet de l’UIAR a compté pour de nombreux Rennais. Il y a eu depuis des turbulences. Les bilans étaient mitigés. Mais l’UAIR n’a pas voulu entendre raison. Elle se dit, désormais, victime d’un mauvais traitement. Ce n’est pas la réalité ! Il y a eu un abus de notre confiance, de notre patience. Notre décision a été prise en conscience et de manière transparente avec l’ensemble des partenaires financiers et les responsables associatifs. Après quatre ans de dialogue, d’échanges, il n’y a eu aucune formulation de projet. L’histoire de l’UIAR ne dicte pas les choix d’aujourd’hui. Il faut s’appuyer sur la réalité des faits et des évaluations qui ont été faites de manière extrêmement scrupuleuses et régulières. »
Contre cette position, l’UAIR se défend dans un long communiqué. « Le 10 décembre 2021, Geneviève Letourneux a mis fin à cette convention sous prétexte que nous avions traversé des instabilités », explique l’équipe responsable de l’association. « Mais nous avions retrouvé notre stabilité depuis plus d’une année. L’adjointe l’a d’ailleurs bien reconnu dans son courrier du 29 mars 2022. » Régulièrement, l’UAIR avait écrit à la mairie (notamment en septembre 2021). « Ces courriers sont restés sans réponse, jusqu’en novembre 2021, comme par hasard, au moment où l’UAIR se préparait à recruter en interne sa nouvelle régie, comme l’avait préconisé l’inspecteur du travail.
Pourquoi Geneviève Letourneux n’a pas donné sa chance à cette nouvelle équipe qui aspire à un changement des pratiques ? », s’interroge la direction
À ce jour, l’équipe de l’UAIR n’aurait reçu aucun document d’évaluation de la part de l’élue et des services de la ville, malgré les nombreuses rencontres qui ont suivi la réunion du 10/12/2021. « Ces réunions sont, à chaque fois, à l’initiative de l’UAIR qui souhaitait renouer le dialogue et ainsi espérer négocier le retour du conventionnement et la possibilité de rester dans les locaux. »
Nous voulions être évalués sur notre propre bilan », la nouvelle direction de l’association
Après la réunion du 10 décembre 2021, la nouvelle équipe de l’UAIR aurait transmis un autre projet associatif. « Elle a ressenti la décision de l’élue de mettre fin au conventionnement de longue, comme un abus de pouvoir. Nous avions pourtant fourni tous les efforts nécessaires pour continuer nos activités, notre expertise de 40 ans. Nous assistons à une stratégie de “déshabiller Pierre pour habiller Paul” qui s’apparente à une discrimination systémique. » Une autre association, Maison des migrations, vient de décrocher une subvention de 5000 euros de la part du conseil municipal de Rennes.
Infos + : l’équipe dirigeante de l’UAIR n’a jamais effectué de réunion de bilan avec l’élue, ni reçu les nombreux bilans.