Trois villes : Montauban, Montfort-sur-Meu et Boisgervilly. Trois lieux pour comprendre un drame sordide, un complot familial et criminel et un dossier hors-norme, un « puzzle à 10 000 pièces », impliquant l’éducatrice spécialisée Magali Blandin, quarantenaire frêle d’1 m50 et Jérôme Gaillard, un gars costaud de 44 ans, portant beau, né à Saint-Méen-Le-Grand, sans emploi et mari jaloux.
Dans un couloir lugubre
Entre le mari et la femme, quelques kilomètres de distance. Entre les deux, une incompréhension totale entraînant le plus sordide des meurtres à coups de batte de base-ball dans un couloir lugubre. Morte sous les coups un 11 février 2021, enterrée sous de la chaux-vive, dans une forêt de Boisgervilly, Magali ne verra plus ses quatre enfants, sa sœur et ses parents. Elle n’aura pas eu le temps de comprendre la haine de son mari, de ses beaux-parents complices et d’un Géorgien chargé des basses besognes (la destruction de la voiture ayant transporté le cadavre).
Mais avant de mourir, Magali aura peut-être revu en quelques secondes son mariage à Ercé-en-Lamée en septembre 2003. Ce jour-là, elle était sans doute heureuse, entourée des siens. Mais dix-sept ans plus tard et quatre enfants plus tard, son bonheur s’achevait par une séparation difficile et une plainte pour violences conjugales le 3 septembre 2020. Elle ne pouvait plus supporter les tensions au sein de son couple liées notamment à la gestion des ressources du ménage, expliquait le procureur dans un communiqué. « C’était tendu au sein du couple », explique une habitante de Montauban de Bretagne. « Les voisins entendaient souvent des cris. »
Une tension vive
Le 19 octobre 2020, Magali entamait une procédure devant le Juge aux affaires familiales de Rennes afin qu’il soit statué rapidement sur le sort des quatre enfants du couple âgés de 14 ans, 12 ans, 7 ans et 3 ans. Mais la tension était vive et les deux époux devaient se retrouver le 8 mars pour une audience de non conciliation. Il n’en fut rien malheureusement. Le 11 février, Jérôme Gaillard en décidait autrement…
D’après son avocat, Jean-Guillaume Le Mintier, Jérôme Gaillard s’est retrouvé dans une impasse psychologique suite au départ de sa femme. “En la perdant, tout s’est effondré. Il n’a pas eu le courage d’affronter la réalité et, parce que sa femme lui manquait cruellement, il a eu recours à ce projet criminel qu’il qualifie aujourd’hui de monstrueux. Jérôme Gaillard a cru pouvoir se reconstruire en commettant l’irréparable. C ‘est complètement illusoire, c’est complètement fou ! On verra ce que nous enseignent les expertises psychologiques et psychiatriques.”
« Il a fini par la dégommer ! »
Mais à Montauban, pays de taiseux, beaucoup ont désigné dès les premiers jours de la disparition le tueur : Jérôme Gaillard. « Tout le monde le savait. Il a fini par la dégommer ! », confie une habitante. Dans la région, le meurtrier était pointé du doigt. « Cela bricolait beaucoup chez lui. Il louait ses hangars aux Géorgiens qui faisaient sûrement du business de voitures. On ne savait pas trop ce qui se traficotait par là-bas. » En revanche, Jérôme Gaillard faisait peu d’apparitions publiques. « Depuis quelques années, sa femme venait acheter des pizzas chez moi, mais lui on ne le voyait peu », explique un restaurateur.
« Un jour, je serai connu », affirmait-il à ses amis de Montauban. « Un soir, il est venu nous présenter le scénario d’un thriller », ajoute le patron d’une boite rennaise. « Il voulait tourner dans notre établissement. » Mais Jérôme Gaillard avait eu une fin de non-recevoir. Avant 2016, il avait créé une société de productions de films appelée Filmàpart, fermée depuis. D’après nos confrères de France Bleu Armorique, il avait écrit un script de 113 pages d’un film baptisé Ego Sum où il racontait la vie d’un schizophrène Thomas Ledoux et décrivait une scène ressemblant fort à son crime. « L’homme tel un félin bondit de sa cachette et fait face à elle. Surprise, elle pousse un cri d’effroi vite étouffé par les mains de son agresseur qui lui porte un coup violent au visage. Elle s’évanouit sous le choc. L’homme la traîne alors dans les bois. Il tourne la tête de côté, vérifiant bien que personne ne l’a vu. »
Très couvé !
A défaut d’être Roman Polanski, Jérôme Gaillard était « très couvé » par ses parents et vivait de la location de ses hangars. « Il y a quelques années, il m’avait acheté ma BMW de 31 chevaux. Son père avait payé la voiture », confie un habitant de Montauban-de-Bretagne. « On avait l’impression que c’était un gamin de 18 ans qui venait d’avoir son permis ! A l’époque, il ne travaillait pas. Il était rentier et avait la vie facile. Heureusement que ses parents étaient là pour financer tout ce qu’il fallait. C’était un flambeur et beau parleur. Cela a toujours été un enfant gâté. »
A Montauban-de-Bretagne, les habitants évoquent cette affaire et notamment le rôle des parents dans ce terrible meurtre, Jean et Monique, cultivateurs. « Ils ont déjà perdu un fils, Franck, qui s’est suicidé après un divorce. Apparemment, le père aurait aidé son fils Jérôme pour éviter qu’un tel drame se reproduise. » A la différence de son époux, Magali Blandin était en revanche plutôt discrète. « Je la voyais à l’école publique de Montauban de Bretagne et aux kermesses. Elle venait chercher ses enfants. Mais elle ne disait pas grand-chose. Elle était discrète. »
A Bourrien, lieu-dit où le couple vivait dans une ferme entièrement réaménagée, les hangars sont fermés, la balançoire attend des enfants et un chien erre l’âme en peine. Non loin, sur la route nationale, des automobilistes filent à grande vitesse sans se soucier du drame ayant eu lieu dans un triangle maudit compris entre Boisgervilly, Montauban et Montfort où une jeune femme Magali Blandin est morte dans le cadre d’un complot familial et criminel.