L’incinérateur de Villejean semble être devenu le « sparadrap du capitaine Haddock » pour la ville de Rennes. En plein cœur de l’été, les élus métropolitains ont pris la décision de se séparer du constructeur italien Ruths, chargé du chantier interrompu depuis mars dernier. Mais pas de bol, l’affaire réglée en catimini durant les vacances a été révélée par un journaliste d’Ouest-France. Contactée, Rennes métropole a été obligée de donner le nom du remplaçant : Est industries Sentis (Moselle). « Les travaux ont effectivement repris, avec un redémarrage de l’unité de valorisation énergétique prévu pour 2026 », indique l’agglomération au quotidien.
Au printemps dernier, le chantier avait été stoppé pour des raisons de sécurité, contraignant la métropole à acheminer ses déchets vers d’autres centres de traitement par camion pour un coût mensuel de 2,8 millions d’euros. Ce surcoût avait d’ailleurs obligé Rennes Métropole à augmenter la taxe sur les ordures ménagères. Mais malgré un rapport d’expertise judiciaire favorable à Ruths, commandé par le tribunal administratif, les élus ont choisi de s’appuyer sur les évaluations de leurs propres cabinets. Ils assurent leur décision, au risque de provoquer un contentieux juridique avec l’entreprise italienne. « Mais d’ici le règlement judiciaire, les élections municipales seront déjà passées », mesure un observateur éclairé.
Interrogée, la société Ruths a tenu à attirer l’attention sur un avis récent du Comité européen de normalisation (CEN). « Lors d’une réunion les 27 et 28 août 2024, en présence de représentants de Rennes Métropole et d’Apave, le CEN a confirmé la conformité des calculs techniques de Ruths. Ce qui fut déjà précédemment fait par l’INAIL (organisme de contrôle italien) et l’expert judiciaire. Pourtant, Rennes Métropole a signé un contrat de substitution dès le 9 juillet 2024, sans attendre la conclusion définitive de ces expertises. Cela fait désormais plus d’un an que nous tentons de démontrer la conformité de nos chaudières à la directive européenne DESP et à la norme EN 12 952 », déplore Ruths.
Pour l’entreprise italienne, le marché de substitution est non seulement inutile, mais risqué. « Il n’y a aucune non-conformité à corriger. Ce contrat représente un danger pour le marché de l’incinération. Les fabricants doivent pouvoir finaliser leur travail, conformément aux directives en vigueur. » Plus grave encore, Ruths pointe un « risque financier énorme » pour sa survie et son image. « C’est une décision incompréhensible, alors que notre contrat initial était déjà en place. »
En tant que fabricant, Ruths alerte les autorités sur les risques techniques et réglementaires d’une modification de leur ouvrage. « Le marché de substitution n’impose aucune garantie au nouveau venu sur la construction globale. En période de contraintes budgétaires, une telle décision pourrait mener à une véritable catastrophe », conclut Ruths. La commission d’appel d’offres a validé l’attribution du marché de substitution le 9 juillet dernier, et le choix du candidat a été officialisé le 31 juillet pour un montant de plus de 20 millions d’euros.