Quel joli pied de nez ! Ce 16 mai 2024, en l’église Notre-Dame de Saint-Melaine, l’acteur-réalisateur Albert Dupontel a rendu un vibrant hommage à son ami, Renaud Van Ruymbeke. Derrière l’ambon (pupitre religieux), il a déclamé un texte empreint d’émotions et d’humour retenu où il a su trouver les mots pour saluer la mémoire d’un magistrat inflexible et indépendant. « Il y a quelques années, je préparais une farce sociale mettant en scène un SDF confronté à un scandale politico-financier. Lors des travaux préalables, un nom revenait sans cesse : Van Ruymbeke. En recueillant son témoignage, l’heureux profane que j’étais a découvert chez lui l’idéal qu’un citoyen pouvait se faire de la justice », a-t-il expliqué.
Renaud Van Ruymbeke n’a pas manqué d’humour et d’élégance dans Second Tour, le film d’Albert Dupontel en 2023.
Durant son oraison funèbre, Albert Dupontel a souligné « l’extrême rareté » du juge, sa simplicité et sa malice. « Intimidé au départ, je fus touché en découvrant un homme humble, dévoué, sensible, merveilleux et curieux des autres », a-t-il ajouté. « Il incarnait l’institution judiciaire avec perfection. Le fréquenter faisait grandir, donnait un brin d’espoir dans un monde de plus en plus fou ! Cher Renaud, merci d’être passé nous voir et de nous avoir montré ce que pouvait être un homme de principes. Je vous dis à bientôt, mais je ne vous cache pas ma ferme intention de prendre mon temps ! Je vous adresse aujourd’hui la promesse que, dans ma vie et dans mon travail, j’essaierai d’appliquer l’attitude intègre et rigoureuse qui fut la vôtre. Huissier, je vous précise de le noter. Kénavo ! »
Les avocats sont orphelins de toi. », a expliqué maître Emmanuelle Kneusé.
Auparavant, l’avocate parisienne Emmanuelle Kneusé (son époux défendit Renaud Van Ruymbeke dans l’affaire Clearstream) a tenu à saluer le grand homme au nom de tous ses confrères. « Monsieur, le juge d’instruction ! », a-t-elle proclamé d’une voix rocailleuse et sans doute émue. « J’aimais vous appeler ainsi avec tout le respect et l’estime que je vous dois. Je chérissais votre liberté de ton et votre courage en toutes circonstances. » Impressionnée elle aussi par sa force de travail et sa capacité à diriger des milliers de procès-verbaux, elle a loué sa discrétion, sa réserve, sa modestie et sa volonté de vivre loin des honneurs et des mondanités. « Monsieur le juge d’instruction, ce que nous, avocats, retiendrons de vous, c’est votre conception profonde des droits de la défense et la confiance mutuelle que vous avez établie avec nous et nous avec vous ! »
Entre les défenseurs et le magistrat Van Ruymbeke, il n’y avait jamais d’incompréhension. « Traiter un dossier avec vous, c’était la garantie que la justice rimerait avec humanité. Traiter un dossier avec vous, c’était l’assurance que votre porte était toujours ouverte pour échanger sur nos difficultés et sur nos doutes respectifs. Oui, parfois, monsieur le juge d’instruction, vous étiez têtu et obstiné, mais vous n’étiez jamais inflexible, car vous étiez à l’écoute, sans complaisance, sans faux semblants, de ce que nous trouvions utile de vous dire. » Avec sa fidèle greffière, Maryse, Renaud Van Ruymbeke savait visiblement recevoir chaque acteur avec un brin de malice dans le regard. « Monsieur le juge d’instruction, votre rire en disait long sur l’homme que vous étiez : un mélange de chêne et de roseaux. » Renaud Van Ruymbeke était aussi un mélange de sourire et de sérieux dans un monde où les postures et les carrières ont désormais tendance à remplacer le sens de l’intérêt général !
Infos + : des musiciens (dont le fils du juge) ont rendu hommage à Renaud Van Ruymbeke (qui vivait à Mordelles). Ils ont joué du Schubert notamment sur le piano du magistrat.